A Bigger Splash : peut-on être indulgent avec un film où des gens pleurent sous la pluie ?
StudioCanal

Arte diffusera ce soir ce remake de La Piscine par Luca Guadagnino avec Dakota Johnson, Ralph Fiennes, Matthias Schoenaerts et Tilda Swinton. A voir ?

Deux ans avant Call Me By Your Name, acclamé par la critique, Luca Guadagnino signait ce remake de La Piscine. Le film avait été présenté au public de la Mostra de Venis 2015, avant de sortir au cinéma au printemps suivant. Alors qu'il sera rediffusé ce soir sur Arte, nous repartageons notre avis à chaud, pas franchement optimiste...

La Piscine racontée par Jean-Claude Carrière

Inspiré de La Piscine de Jacques Deray, A Bigger Splash est un film complexe, ambigu, énervant et trop chargé de références pour son propre bien. Les personnages ont gardé les mêmes noms : Paul et Marianne (Matthias Schoenaerts et Tilda Swinton) passent des vacances tranquilles dans leur villa sur une île italienne lorsque débarque leur vieil ami Harry (Ralph Fiennes) et sa fille Penelope (Dakota Johnson, vue quelques jours plus tôt dans Black Mass et il y a quelques mois dans 50 Nuances de Grey). L'intrus n'est pas bienvenu, parce que Marianne, une chanteuse de rock récemment opérée du larynx, a besoin de calme pour retrouver sa voix. Or, Harry n'a rien de reposant : c'est un hédoniste manipulateur et tonitruant, qui a été le manager et l'amant de Marianne pendant 6 ans, avant d'organiser la rencontre entre elle et Paul. Et s'il est là, c'est pour remettre le couvert avec Marianne.

Fiennes joue Harry comme le personnage est écrit, mais avec une vulgarité forcée qui manque de naturel. Dakota Johnson (fille de Don) interprète la perturbatrice Penelope, et on ne peut pas s'empêcher de penser à Juno Temple, une autre fille de, qui jouait quasiment le même rôle d'allumeuse trichant avec son âge dans Killer Joe, de William Friedkin. Si bien que chaque rebondissement est visible à l'avance, mais c'est un peu le problème général du film qui, consciemment ou non, annonce le programme sous forme de clins d'oeil et de références. Le style de vie des ces jet setters de luxe (sexe, drogues et rock'n roll) reproduit le cliché popularisé par les Rolling Stones, que le réalisateur Luca Guadagnino cite par ailleurs de façon obsessionnelle, depuis le rappel de la mort de Brian Jones dans sa piscine jusqu'aux paroles d'"Emotional Rescue". La photo est assurée par Yorick Le Saulx, qui avait déjà éclairé Tilda Swinton dans Only Lovers Left Alive, déjà un film sur un couple rock'n roll, et Swimming Pool, tiens donc. Seule incursion de la réalité dans ce théâtre du désir en vase clos, les migrants, qui serviront de coupables idéaux à un accident funeste (et téléphoné).

Au bout du compte, on a du mal à faire le tri entre l'indéniable sophistication et les irritantes fautes de goût de cette histoire alambiquée et déconcertante. Mais peut-on être indulgent avec un film qui fait tomber de la pluie quand un personnage pleure ? C'est un des clichés les plus fatigués de l'histoire du cinéma, et on l'a déjà vu ici à Venise à peine deux jours plus tôt dans le calamiteux The Danish Girl. Matthias Schoenaerts a trop de potentiel pour être autorisé à le dilapider dans des films où des gens pleurent sous la pluie.
Gérard Delorme


"Je n'ai pas voulu voir La Piscine. J'ai honte !"