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Il existe bel et bien deux versions de ce film là. La particularité, c’est qu’elles sont rigoureusement identiques. Récit d’espionnage 90’s auscultant comment les rapports entre les deux Corées se sont soudainement réchauffés (puis immédiatement refroidis) via l’entremise d’un agent infiltré, The spy gone north pouvait encore s’envisager il y a quelques mois comme la métaphore d’un échec perpétuel, un film-spirale autour d’un dialogue impossible. Sauf que fin avril 2018, les dirigeants du Nord et du Sud ont décidé qu’il serait temps de se serrer la pogne près d’un poste frontière et la scène géopolitique s’est retrouvée cul par-dessus tête, tout comme le long métrage de Yoon Jong-bin, qui venait juste d’être terminé. Ainsi, le monde qui sépare les deux « versions » de ce film, c’est tout simplement le nôtre. Le fait que le film ne se retrouve jamais ringardisé, mais toujours revitalisé, par ce coup de théâtre inouï n’est pas tout à fait un miracle, plutôt un bon indice sur son horizon de cinéma : humaniste, grande échelle et hors du temps. Qu’on le regarde comme un constat désabusé ou comme un enregistrement, par mégarde, du tout premier acte vers la réconciliation, The spy gone north reste pertinent parce que jamais obsédé par l’idée de nous renseigner sur « l’état du monde ». Comme son cousin hollywoodo-berlinois Le Pont des espions, il préfère en dessiner calmement les fluctuations et les vents contraires. Agents infiltrés, militaires zélés, dictateurs à caniche : les salauds de la veille seront peut-être les héros de demain.