Première
par Sylvestre Picard
Le cinquième Pirates des Caraïbes vaut-il le prix du billet ?
Pendant vingt minutes, on y croit, mais alors on y croit à mort. Jack Sparrow et son équipage tentent de dérober un énorme coffre-fort en pleine ville. Mêlant adroitement les actions de trois personnages structurée autour d'un principe commun (le vol du coffre, donc), la scène d'ouverture de Pirates des Caraïbes : La Vengeance de Salazar rappelle les délires des westerns italiens 70s à la Companeros. Ce qui entraîne ensuite des péripéties très Pirates des Caraïbes, justement, autour d'une guillotine, du vaudou et d'un amiral espagnol mort-vivant. Tout est là pour passer un savoureux moment pop corn AOC Disney, avec un duo de nouveaux héros sympathiques (Brenton Thwaites et Kaya Scodelario) partis à la chasse au trident de Poséidon à l'aide d'un Johnny Depp qui semble quand même bien s'amuser. C'est surtout Javier Bardem qui bouffe l'écran en Salazar, impitoyable caballero sanguinaire, pourrissant et boiteux. Un triomphe de character design total mêlant avec une maestria bluffante maquillage, numérique (le mouvement de ses cheveux flottant dans l'air comme dans l'eau, incroyable) et performance du comédien ; ce qui donne les meilleurs moments d'un film qui veut carburer à l'art de la vignette.
Mais l'excitation première de l'action pure laisse peu à peu place à un sentiment de déjà vu. La formule se fait sentir sous le vernis : la quête du trident se double d'une quête du père (merci, encore une fois, aux manuels de scénaristes campbelliens), les scènes d'action sont plus rares que prévues et rien ne fait réellement écarquiller les yeux malgré quelques efforts (l'attaque des requins mort-vivants, notamment) L'écart de temps entre le mollasson La Fontaine de jouvence (2011) et cette Vengeance-là aurait pu laisser à son producteur Jerry Bruckheimer le temps de repenser la franchise. Ou de ressusciter, à l'instar du superbe Lone Ranger, la dinguerie punk de la trilogie d'origine -avec Gore Verbinski au gouvernail- qui faisait allégrement plonger le blockbuster hollywoodien dans des eaux inconnues au risque de s'effondrer sous ses réjouissants excès. Treize ans après La Malédiction du Black Pearl qui remuait les cartes, La Vengeance de Salazar joue la tranquilité, qui ne s'accorde guère avec la piraterie.