This England Kenneth Branagh
Sky

Michael Winterbottom raconte trois mois dramatiques de l'Histoire de l'Angleterre, début 2020, entre l'émergence du COVID et l’hospitalisation de Boris Johnson. Une analyse clinique à voir dès ce soir sur Canal+ en France.

Too soon ? En septembre 2022, seulement deux années après le début de la pandémie de COVID-19, la télé anglaise diffusait déjà une série consacrée à la crise sanitaire en Grande-Bretagne et la manière dont elle a été gérée par le Gouvernement. "Voilà une série que personne n'avait demandé" s'agaçait ostensiblement la critique de The Independent, outre-Manche, où This England n'a pas été très bien accueillie. Et pour cause, ce drama hyper-contemporain - à voir à partir de ce soir sur Canal + en France - dépeint de manière étonnamment clinique l'escalade d'une situation aussi dramatique qu'imprévisible, peignant au passage un portrait mi-figue mi-raisin de l'administration Johnson, plus que de Boris lui-même.

L'histoire débute en 2019, quand Boris Johnson succède à Theresa May au 10 Downing Street. Pour sécuriser sa domination au Parlement, il décide de tout miser sur le Brexit et d'attiser la défiance des Anglais contre l'Union Européenne, alors que les négociations pour la sortie du Royaume-Uni s'éternisent. "Get the Brexit Done" devient son leitmotiv et lui assure une victoire confortable lors des élections suivantes. Le voilà avec les pleins pouvoirs à la tête du gouvernement de sa Majesté, alors qu'il découvre, dans le même temps, que sa petite amie Carrie Symonds est enceinte. Tout semble aller pour le mieux mais en Chine, un virus gagne peu à peu du terrain. Les autorités sanitaires s'alarment rapidement, tandis que le cabinet de BoJo peine à prendre la menace au sérieux...



Moins portrait au vitriol d'un leader lunaire que la chronique dramatique d'une période tragique, This England est une expérience docu-fictionnelle assez étrange. Michael Winterbottom et ses équipes ont réalisé un très gros travail de documentation pour décrire au plus près les trois premiers mois de la pandémie. Et ça se sent. La série donne le tournis et fourmille de chiffres, d'informations, de détails sur la crise en train d'éclater, cherchant au passage à montrer l'inaction du Gouvernement et son manque de réactivité coupable. "Une entreprise impressionnante mais pas facile à regarder" résumait The Times au moment de la diffusion anglaise. Il est vrai que This England réveille en chacun de nous de terribles souvenirs encore très frais, qu'on préférerait ne pas déterrer tout de suite. Une parenthèse apocalyptique de l'ère moderne déclinée froidement en six épisodes, comme un examen clinique minutieux de ce qui est allé de travers.

Boris Johnson - incarné par un épatant Kenneth Branagh vraiment méconnaissable - n'est, d'ailleurs, pas tellement le principal accusé dans cette histoire. Michael Winterbottom dresse le portrait d'un homme cultivé mais pas très brillant, qui se repose essentiellement sur un populisme bas du front et ses équipes d'experts, pour diriger, tandis qu'il passe une bonne partie de son temps à la campagne avec sa jeune compagne enceinte. Citant Churchill à tout va, il déambule dans cette crise de manière maladroite, un peu benêt mais pas bien méchant, et parfois même attendrissant, lorsqu'il se retrouve lui-même dans un lit d'hôpital. C'est Dominic Cummings, son directeur de cabinet (écarté en novembre 2020) qui apparaît ici comme l'éminence grise manipulatrice et sans vergogne, et fait office de bad guy.

Le truc c'est que, Outre-Manche, comme en France, et pas plus que de l'autre côté des Alpes, l'ampleur de la crise sanitaire a pris tout le monde de court. Les autorités compétentes ont-elles trop tardé à réagir et à confiner ? C'est ce que suggère en filigrane This England. Et c'est certainement vrai. Mais son autopsie du COVID-19 est faite sur un virus et une pandémie encore loin d'être éradiqués, alors que les cas repartent à la hausse, en cet hiver 2022, un peu partout dans le monde et qu'une partie de la Chine vit encore confinée. La série prend alors une dimension anxiogène qui écrase tout le reste et on regarde tout ça comme une oeuvre surréaliste déconcertante. Peut-être qu'elle aura, au moins, la vertu de rappeler que le Coronavirus n'était pas qu'une simple grippe montée en épingle.

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