Olivier Gourmet De Grace
Arte

Une série noire pour Arte, dans l'univers des dockers et du syndicalisme. Entre polar et tragédie grecque, un drama fort en gueule.

"Je n'ai jamais quitté Le Havre. C'est là que je suis né. Avec du pétrole et du sel dans le sang. C'est grâce au port que je suis devenu quelqu'un." Voilà une série qui a de la gouaille et qui l'assume. De Grâce était présentée hier soir à Lille dans la compétition officielle du festival Séries Mania. Une série noire (développée pour Arte) qui n'a pas manqué de faire sensation avec son atmosphère hyper-stylisée, mise en exergue par un décor plus grand que nature : celui du port du Havre.

Pierre connaît bien les lieux. Il vient d'avoir 60 ans et a vécu toute sa vie au milieu des Porte-conteneurs. Et il a surtout vu les siens fléchir de plus en plus face à l'argent de la drogue. Luttant corps et âme pour que son port reste propre, il n'a même pas pu transmettre son combat à ses enfants, puisqu'aucun n'a souhaité prendre la relève. Pire : quand ses fils sont pris dans un scandale de trafic de stupéfiants, le monde de Pierre s'écroule...

De Grace
Arte

Vincent Maël Cardona, réalisateur du film Les Magnétiques (2021) - récompensé à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes - s'en donne à coeur joie sur les docks. Sa caméra capture l'homme face à l'immensité de la mondialisation, caractérisée par ces géants des mers qui déchargent des milliers de caisses XXL, jour après jour. La démesure de la surconsommation dont les dockers sont des chaînons résiliants, courtisés jusqu'à l'usure par des trafiquants en quête de passeurs potentiels, crève l'écran.

Dans ce cadre impressionnant et débordant de symbolisme, De Grâce raconte à la fois un drame familial sur fond de polar cinglant, tout en livrant au passage un commentaire sur le syndicalisme et la construction d'une communauté pour résister au monde moderne. La narration réussit à ne pas s'éparpiller et se construit en fait comme une sinistre tragédie grecque, avec une galerie de personnages bruts de pomme. Le ton est d'ailleurs très, très appuyé. Les dialogues sont toujours forts en gueule et chaque interaction quasi-théâtrale.

Car De Grâce embrasse pleinement son côté noir, à l'image d'un casting habité, qui joue le jeu sans retenue : Olivier Gourmet est toujours aussi charismatique, Panayotis Pascot est surprenant de justesse et l'ancien Tuche Pierre Lottin livre une performance à fleur de peau spectaculaire.

De Grâce sera diffusée prochainement sur Arte.