La sortie de Zoolander 2 qui semble ne pas convaincre grand-monde est l'occasion de se poser LA question à 100 000$ : à la base, pourquoi le premier volet est-il devenu culte à ce point ?
Que ce soit au niveau des retours de la presse ou du nombre d'entrées, Zoolander 2 a du mal à rassembler. La comédie reprend ses héros cinglés du premier opus et les place dans une histoire à peu près similaire, sauf que cela ne prend plus vraiment. Pourtant, le retour du personnage de Derek Zoolander était très attendu (certes, plus outre-atlantique qu'en France). Retour sur la lente fabrication d'une comédie culte, et son évolution.
Au commencement était un sketch
Cela ne saute pas aux yeux de tout le monde tant c'est le premier film qui a installé l'univers et surtout ses héros, mais Zoolander remonte en réalité à 1996. En effet, la première apparition du personnage a lieu dans un spot de télévision parodique. C'est durant la cérémonie des VH1 Fashion Awards que la pastille humoristique est diffusée, montrant le quotidien de Derek Zoolander, mannequin fictif interprété par Ben Stiller.
Le sketch, coécrit par Stiller, devient très populaire pour son côté idiot et pastiche assumé. D'ailleurs l'année suivante, les VH1 Fashion Awards en commandent un autre. Entre temps, l'acteur-scénariste perce définitivement à l'international (concrètement, il y a un avant et un après Mary a tout prix), se forge une solide réputation de comique, qui dépasse le cadre télévisuel : désormais, on peut capitaliser sur son simple nom pour monter un film. Du coup, il peut se lâcher et lancer Zoolander à partir du simple personnage qu'il a créé. Bien sûr, seuls les spectateurs de la cérémonie comprennent la référence et la filiation, mais il y a déjà un background pour les initiés, et on sait qu'on aura affaire à une ambiance bien barrée.
Recette éprouvée
Cette transformation d'un personnage de sketch télé en héros de cinéma rappelle énormément Une Nuit au Roxbury qui réunissait Chris Kattan et un certain Will Ferrell. Dans leur cas il s'agissait de personnages issus de plusieurs sketches du Saturday Night Live. Le principe est simple : prendre deux archétypes de crétins finis (il y a toujours du Dumb & Dumber dans ce style de duo), les associer à un univers a priori pas spécialement lié à la comédie (le milieu de la nuit pour Une Nuit au Roxbury, le milieu de la mode pour Zoolander) et agiter le tout jusqu'à ébullition. Les héros sont systématiquement à des années lumière de la réalité mais font appel à des références floues que le public reconnaît, en l'occurrence le cliché des mannequins profondément stupides. Du coup, quand le ressort fonctionne, c'est la victoire, puisque les gimmicks, répliques, grimaces et autres sont rapidement repris par tout le monde. Et accessoirement, Zoolander a marqué les débuts au cinéma américain du Suédois Alexander Skarsgård (True Blood, Tarzan) : c'est lui qui jouait Meekus, un des mannequins débiles amis du héros qui finit brûlé vif dès le début du film. La légende est en marche.
Sur la durée
Zoolander a eu son petit succès au cinéma, mais c'est avec les ventes dvd et le reste qu'il s'est installé durablement dans l'inconscient collectif. Comme nous le rappelait Justin Theroux (acteur dans les deux films et scénariste sur le second) "quand le premier film est sorti, la plupart des gens étaient intrigués et ne savaient pas du tout ce que c'était, cet univers absurde autour des mannequins masculins". Cela prend donc un peu de temps, mais une fois que le public s'est approprié le film, on est bien forcé de reconnaître que le statut de personnages cultes n'est pas usurpé. Si l'on prend d'autres exemples de comédies absurdes en orientant le curseur vers Will Ferrell, il a multiplié les films hilarants, mais tous ses personnages n'ont pas ce statut, excepté Ricky Bobby (Ricky Bobby Roi du circuit) et surtout Ron Burgundy (Anchorman 1 et 2). On peut adorer Frangins malgré eux, mais les héros ne sont pas identifiables en une seule phrase d'accroche, là où ceux d'Anchorman et Zoolander sont plus un ensemble de répliques si absurdes qu'elles deviennent des classiques instantanés et de caractéristiques physiques (les mimiques de Derek, la moustache de Ron). C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles ce type de comédie connaît moins de suites que les longs-métrages comiques plus traditionnels : des personnages aussi décalés sont difficiles à faire revenir. Et c'est là que les problèmes commencent...
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Le fantasme du retour
"Bien sûr que Hansel m'a manqué. Déjà parce que les gens m'arrêtent tout le temps dans la rue pour me demander de faire le look Blue Steel, me ressortent tout le temps des répliques du film, etc". C'est en ces termes qu'Owen Wilson nous expliquait son affection pour son personnage. Forcément, avec des spécimens comiques pareils, le public est toujours enthousiaste. Le retour de Ben Stiller en Derek dans Saturday Night Live avait d'ailleurs déchaîné le public et Internet avec.
Pour autant, un film n'est pas aussi facile à réussir qu'un happening sur un plateau. Les années défilent et il est extrêmement délicat de faire revivre des héros aussi cultes soient-ils à près de 15 ans d'écart. Entre l'absence d'idées, le désir de reproduire exactement la formule de départ et le manque de prise de risque que cela implique, les pièges sont nombreux. Et si tout semblait bien parti, le public semble avoir tranché en défaveur de Zoolander 2.
Toujours culte ?
Là les choses se corsent vraiment pour Ben Stiller et ses copains. Le principe d'un personnage culte c'est quand même d'avoir une base solide sur laquelle s'appuyer. Si le public ne retient pratiquement rien d'une suite, en tout cas rien de neuf, cela n'enlève rien au film d'origine mais cela diminue fortement l'aura qu'il dégageait. Tout va bien, ce n'est pas non plus une vision dont les fans du premier sortent déprimés comme Dumb & Dumber 2, mais tout le monde était en droit d'attendre un peu mieux. Autre bemol pour le côté culte : la validation totale du film par le milieu de la mode qui a apprécié le premier volet. Cela part d'une bonne intention mais les personnages perdent du même coup leur côté ovni et bizarre pour faire partie intégrante de la machine.
C'est triste à dire, mais ce genre de projet en demi-teinte laisse à penser qu'un Tonnerre sous les tropiques 2 serait peut-être une très mauvaise idée. Qu'à cela ne tienne, il reste heureusement le retour aux sources, à savoir la promo virale du film (coucou Deadpool), qui pour le coup renouait totalement avec l'esprit d'origine sans le côté artificiel d'une suite un peu trop forcée. Ce qui commence par un sketch devrait peut-être toujours finir de la même façon.
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