La coupure qui donne son titre au dernier film de Fatih Akin est celle que reçoit le héros, joué par Tahar Rahim, au cours de ce qui s’avère être la scène la plus forte de cette épopée de deux heures 20 à l’ambition considérable. Le sujet, rien moins que le génocide arménien, est traité du point de vue d’un artisan ferronnier pendant la Première Guerre Mondiale, à l’époque où l’alliance des Allemands avec l’Empire ottoman a transformé du jour au lendemain certaines minorités en ennemis. Comme son nom l’indique, Nazaret Manoogian a le malheur de faire partie des Arméniens chrétiens. Une nuit, l’armée frappe à sa porte pour l’enrôler de force. Après quelques dizaines de mois à casser des cailloux dans le désert, on lui propose ainsi qu’aux autres prisonniers de se convertir à l’islam. Les récalcitrants comme lui sont égorgés, mais Nazaret tombe sur un bourreau sensible qui lui laisse la vie sauve, non sans lui avoir quand même sectionné les cordes vocales, ce qui le réduira au silence pour le reste du film.Libéré, Nazaret découvre que seules ses filles jumelles ont survécu aux horreurs de la guerre, et il entreprend de les retrouver au cours d’un périple qui le mènera à Cuba puis dans différents états d’Amérique via la Floride.Une belle illustrationLe script est co-écrit par Mardik Martin, l’auteur de Mean Streets et de Raging Bull, et les moyens importants donnent au film des allures de superproduction hollywoodienne, amplifiée par une belle photo panoramique en 35mm. D’où vient que le film ne décolle jamais ? A quelques exceptions près, on a l’impression d’une succession de scènes d’exposition, toutes sur la même note. Peut-être que le choix de faire parler les personnages arméniens en Anglais (alors que toutes les autres langues sont sous-titrées) n’était pas une bonne idée, les dialogues étant simplifiés à l’extrême.On sent la volonté de s’adresser à un public contemporain, avec une musique électrique inhabituelle pour ce genre d’épopée. Certaines images évoquent les guerres actuellement en cours au Moyen-Orient : les camps de réfugiés, les exactions, et la quasi-exécution de Nazaret qui rappellent les djihadistes européens enrôlés par les combattants locaux pour faire le sale travail, comme égorger les otages.Tahar Rahim fait tout ce qu’il peut avec un rôle muet qui exige un jeu physique. Le problème vient de ce que son personnage ressemble à un témoin, pas vraiment passif, puisque c’est sa quête qui met en mouvement tout le film, mais davantage réactif qu’actif. A un moment, il perd la foi, mais c’est une péripétie qui semble moins dictée par le désespoir que par la volonté des auteurs de ne pas prendre position, de montrer que tous les musulmans ne sont pas mauvais, et que la foi en Dieu n’est pas un réconfort pour tout le monde en temps de guerre.Quand on pense aux menaces de mort adressées à Fatih Akin par les extrémistes turcs, elles paraissent d’autant moins fondées que leurs auteurs n’ont même pas vu le film. Hélas, le simple rappel du génocide en tant que fait historique suffit encore à déchaîner des envies de meurtre. Hélas encore, ça ne change rien à la qualité du film, qui se résume à une belle illustration, appliquée mais plate.Gérard Delorme
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- The Cut avec Tahar Rahim n'est pas à la hauteur de son ambition
The Cut avec Tahar Rahim n'est pas à la hauteur de son ambition
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