Une jolie comédie-concept avec Max Boublil dans son éternel rôle d’adulescent comico-dépressif mais davantage porté sur l’émotion.
Dans Les Gamins, Anthony Marciano tirait le portrait d’un quinquagénaire (Alain Chabat) et de son gendre potentiel (Max Boublil) déterminés à faire les 400 coups ensemble pour échapper à la routine du mariage pour le premier et à une voie tracée pour le second. Entre comédie régressive et bromance intergénérationnelle, Les Gamins traçait le sillon de la comédie américaine sans toutefois assumer toutes ses audaces : la régression restait plutôt dans les clous et l’opposition hommes-femmes obéissait à un certain schématisme – là où les personnages féminins bénéficient d’un traitement plus complexe chez Judd Apatow, par exemple. Sept ans plus tard (et l’erreur de parcours Robin des bois, la véritable histoire dans l’intervalle), Anthony Marciano et Max Boublil semblent avoir pris un peu de plomb dans la tête. Toujours coauteurs, les désormais jeunes quadragénaires (nés tous deux en 1979) interrogent toujours la masculinité, mais à l’aune d’un rééquilibrage des rapports hommes-femmes, caractéristique de l’ère #MeToo.
SHOOT DE NOSTALGIE
Le concept, d’abord. Car concept il y a. Tout le film est basé sur des images d’archives que le héros, apprenti cinéaste, a conservées depuis qu’il a eu son premier Caméscope, offert par ses parents quand il avait 13 ans, et dont nous voyons un montage supposé, celui qu’il s’est fait dans sa tête. Rembobinage. Nous démarrons en 1993. Le jeune Max filme les principaux moments de sa vie partagés avec sa bande de potes et la craquante Emma (Alice Isaaz) à qui il n’ose avouer ses sentiments. Les années défilent et la tête des personnages aussi, d’abord adolescents, puis jeunes, enfin adultes. Une affiche de La Haine, les modems bruyants des ordinateurs, la liesse post-Coupe du monde 98, les premiers portables suffisent à nous repérer dans le temps, tout comme la dégaine des héros et les tubes pop électro de ces années-là – You are my high de Demon est notamment parfaitement utilisé pour le passage à l’an 2000. Marciano pousse à fond les curseurs de la nostalgie sans toutefois verser dans un « best of » des années 90-2000, qui réduirait le film à sa forme. En centrant son propos sur l’histoire d’amour inachevée entre Max et Emma, le réalisateur ancre le film dans les cœurs et dans la problématique très contemporaine de la séduction.
L’AMOUR, AUJOURD’HUI
Au début de leur camaraderie, Max et Emma ne se calculent pas vraiment, d’autant que lui est en permanence dans l’ombre, derrière son Caméscope. Puis survient un Action/Vérité où la jeune fille, à l’étonnement de tous, le choisit pour une épreuve de bisou sur la bouche. Un acte de bravoure (souvenez-vous quand vous aviez 13-14 ans...), une prise de pouvoir féminine qui oblige le garçon à réagir mais le déstabilise complètement. À partir de ce moment-là, le film ne fait que retarder le moment où Max osera enfin se déclarer. Il y a par exemple cette scène clé de la balade romantique en pédalo qui se solde par une chute d’Emma dans l’eau, Max la repêche avant de l’embrasser hors champ : normal, il a posé sa caméra – belle idée de cinéma. Un baiser hors champ, c’est comme s’il n’avait jamais existé, d’ailleurs Max s’empresse de relativiser la chose devant une Emma déconfite, bientôt lassée de sa pusillanimité. En rejetant le rôle que lui a involontairement assigné la jeune femme, celui de l’amoureux éconduit, obligé de se racheter, Max s’inscrit dans une vision machiste de la séduction qu’il va payer au prix cher. Les tourtereaux s’éloignent et le montage de la vie du héros commence à ressembler à une mauvaise romcom. Les images d’archives feel-good se muent en preuves accablantes de l’orgueil mal placé de Max, un certain malaise s’installe... Play révèle alors sa nature profonde, en phase avec les préoccupations du moment. Une jolie surprise.
Play, en salles le 1er janvier 2020.
Commentaires