GALERIE
Gaumont

Le cinéaste revient sur les coulisses de sa nouvelle pépite : un long métrage dont les héros sont des enfants voulant faire sauter l’usine qui pollue leur village. Une première pour lui.

C'est la première fois que vous confiez les premiers rôles d'un de vos films à des enfants. Qu'est ce qui vous y a poussé ?

Pierre Salvadori : Avec mon co- scénariste Benoît Graffin, on était d'abord parti sur un film traitant du monde du travail vu à travers un personnage de formateur. Mais on peinait à avancer. Et puis un jour, j'ai lu La violence oui ou non, que m'avait conseillé un ami. Publié juste après la catastrophe de Tchernobyl, ce livre aborde la question de la légitime violence pour répondre au tort écologique fait à la planète. On a donc essayé imaginer les aventures d'apprentis terroristes maladroits mais j'avais l'impression de bégayer avec ce que j'avais déjà pu faire. Jusqu'à ce que j'ai un déclic : et si mes personnages étaient des enfants ? Ca allait pouvoir emmener le film ailleurs, vers un récit du passage de l'enfance à l'adolescence que je n'avais jamais abordé, en montrant les effets bénéfiques comme pervers du groupe : les tensions, les trahisons qui font partie de l'apprentissage de la démocratie. Et ne jamais verser dans le film purement militant qui se révèle toujours profondément ennuyer

Comment vous êtes- vous employé pour constituer la bande de comédiens qui allaient incarner vos héros ?

Avec la directrice de casting Elsa Pharaon, il fallait trouver non seulement des enfants qui jouent bien – car tout était très écrit et ne laissait aucune place à l'improvisation - mais qui allaient aussi et surtout être capables de former un groupe. C'est à ce dernier point que je me suis employé une fois qu'on avait repérés ceux qui nous apparaissaient avoir le plus de personnalité et avaient a priori la patience nécessaire par rapport à l'attente inhérente à tout tournage. Je leur ai basiquement expliqué que pour que ça fonctionne, ils devaient se forcer à s'aimer car à partir de là, ils allaient passer le plus joyeux des tournages. Et j'ai été entendu : très vite ils sont devenus la même troupe à la ville qu'à l'écran. Après, je ne dis pas que ça n'a pas été sportif une fois sur le plateau ! J’ai souvent fini mes journées aphone. Mais au final, cette aventure s'est révélée extrêmement gratifiante pour moi. Notamment parce que j'ai pu constater combien en tant qu'adulte on peut apporter à des enfants. Ca a même changé ma manière de me comporter avec les miens

Comment choisit-on l'adulte qui va jouer leur souffre-douleur, ce patron d'usine polluante qu'ils décident de kidnapper ?

Il me fallait là encore quelqu’un de très doué car il allait y avoir pas mal de scènes complexes nécessitant de surjouer un peu pour obtenir quelque chose d’un peu malaisant et plein de burlesque. Mais j’avais aussi besoin d’un être humain délicieux et patient pour jouer un adulte kidnappé par des gosses en pleine canicule attaché au sol en se prenant quelques coups au passage. Et Laurent Capelluto était à mes yeux LA perle rare. Il a tout de suite compris qu’il devait susciter autant l’inquiétude que les rires et que, dans ce récit, il était un ogre car, à mes yeux, La Petite bande est plus un conte pour enfants qu’un film pour enfants. Avec cette idée que le monde devient vivable quand on écarte l’ogre.

La PETITE BANDE : SALVADORI A SON MEILLEUR [CRITIQUE]

Vous avez tourné La Petite bande en Corse, sur les terres mêmes de votre enfance. C'était important pour vous ?

Oui car plein de souvenirs me sont remontés à la surface : on a carrément tourné dans la rivière de mon village Mais ça fait peur car on a peur de rater, que ce soit moins fort et moins beau que ses souvenirs. Certes, on ne fait pas un film pour se faire plaisir. Mais ça n’aurait pas été pareil si j'avais tourné cette histoire ailleurs ! Ainsi, à un moment, j’ai demandé au réalisateur seconde équipe d’aller filmer la rivière qui coule. Il m’a fait des plans très beaux mais en les voyant j’ai compris que si on n’avait pas vécu cette rivière, si on ne sait pas ce que représente enfant le fait d’aller à la rivière, de dormir sur un rocher brûlant en sortant de l’eau froide, de regarder une brindille d’herbe qui touche l’eau et ne s’arrête jamais de bouger, d’observer des araignées d’eau pendant des heures, les ombres des arbres qui se dessinent sur les rochers, ça fonctionne moins bien à l’écran. Du coup, je suis retourné moi- même faire ces plans l’été suivant avec mon chef op' pour avoir mon idée de la rivière !

Est- ce que le montage a changé des choses dans un film où il y aussi peu de place pour l’improvisation ?

Il ne s’est pas modifié mais amplifié. J’essaie au montage de regagner du rythme, de boucher des trous. Parfois un enfant est très juste au début d’une prise et moins à la fin. Je ne lâche rien. Je passe énormément de temps au montage car il n’y a rien de pire qu’un enfant qui joue faux, on décroche dans la seconde car on prend soudain conscience qu’il est filmé et le charme s’envole. Or dans ce film, tout doit être naturel alors que tout est très écrit. Et pour cela, le montage a constitué une étape majeure