Guide du 1er mai 2019
Mars Films / Pathé / Memento Films Distribution

Ce qu’il faut voir cette semaine.

L’ÉVENEMENT

NOUS FINIRONS ENSEMBLE ★★★★☆
De Guillaume Canet

L’essentiel
Plus noire, plus amère et par là même plus passionnante, cette suite des Petits Mouchoirs dissipe le malentendu qui avait entouré le premier volet.

L’exercice de la suite rappelle que le cinéma est au moins autant une industrie qu’un art. Dans 99,99 % des cas, on surfe sur un succès sans prendre le temps de creuser les situations et les personnages. L’unique mot d’ordre : battre le fer tant qu’il est encore chaud. À cette aune, Nous finirons ensembledétonne. D’abord, parce qu’on ne peut guère l’accuser de surfer sur une quelconque vague quand le carton des Petits Mouchoirsremonte à déjà neuf ans. C’est même une sacrée gageure que de se lancer dans une aventure où les protagonistes ont bien plus à perdre qu’à gagner.
Thierry Chèze

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PREMIÈRE A ADORÉ

GLORIA BELL★★★★☆
De Sebastián Lelio

Gloria, quatrième long métrage de Sebastián Lelio, est le portrait d’une quinquagénaire vibrionnante et lumineuse qui avait révélé le cinéaste aux yeux du monde en 2013 au festival de Berlin. Son interprète, Paulina García, y avait d’ailleurs remporté l’Ours d’argent de la meilleure actrice. Quatre ans plus tard, Lelio recevait l’Oscar du meilleur film étranger avec Une femme fantastique. Il n’en fallait pas plus pour attirer l’attention de Julianne Moore, qui a vu dans le personnage de Gloria une occasion en or de célébrer la femme de 50 ans dans toute sa vitalité.
Thierry Chèze

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TREMBLEMENTS ★★★★☆
De Jayro Bustamante

Représentant à peu près unique du cinéma guatémaltèque, Jayro Bustamante s’est fait remarquer avec son premier long métrage, Ixcanul, portrait d’une jeune femme maya prisonnière des us et coutumes de sa communauté, qui impressionnait par sa sécheresse thématique et son panthéisme lyrique. Les ombres tutélaires des mexicains Carlos Reygadas (Lumiere silencieusePost Tenebras Lux) et Amat Escalante (HeliLa région sauvage) planaient au-dessus de ce premier film coup de poing, révélant en Bustamante un sacré tempérament de cinéaste.
Christophe Narbonne

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PREMIÈRE A AIMÉ

68, MON PÈRE ET LES CLOUS ★★★☆☆
De Samuel Bigiaoui

Après avoir jeté des pavés dans les rues du Quartier latin en mai 1968, il en est devenu le quincaillier emblématique. Ce documentaire retrace par petites touches le parcours de Jean, ancien intellectuel maoïste devenu petit patron d’un magasin de bricolage. Dans 68, mon père et les clous, le réalisateur, son fils, cherche à comprendre pourquoi cet homme très cultivé, un temps assistant de Joris Ivens, et réalisateur de films, a soudain décidé de vendre des clous. Le regard est tendre, gentiment inquisiteur. On y voit un fils essayer de découvrir son père et c’est forcément émouvant. Le réalisateur ne quitte jamais la boutique où passent les profils les plus divers. Parmi eux, d’anciens compagnons de Jean évoquent les luttes communes au sein de la Gauche prolétarienne. Car Bricomonge (c’est le nom du magasin) n’était pas fréquenté que par les bricoleurs du dimanche. Véritable agora du quartier, il regroupait des gens de toutes les cultures, de toutes les couches sociales, venus se confier, philosopher ou simplement trouver du lien social. Jean nous montre finalement que la voie du travail manuel était sa manière à lui de poursuivre son idéal. Et puis, au bout de trente ans, la réalité a rattrapé le commerçant. Il est obligé de mettre la clé sous la porte. Le documentaire de Samuel Bigiaoui tourne alors à l’inventaire avant fermeture et se fait plus nostalgique. Plus dur aussi. Il faut vendre, l’annoncer au personnel, vider la boutique. Cinquante ans après Mai 68, Bricomonge n’est plus. La fin d’une époque...
Sophie Benamon

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

DUELLES★★☆☆☆
De Olivier Masset-Depasse

Après Illégal, remarquable film sur les sans-papiers, Olivier Masset-Depasse change radicalement de registre pour son deuxième long métrage. À la réalisation naturaliste d’une œuvre sociale et politique, succède un thriller psychologique à la mise en scène ultra stylisée et ultra référencée, entre Hitchcock (pour le sujet) et Douglas Sirk (pour ce Technicolor aux couleurs chaudes choisi pour figurer les années 60 où se déroule l’action). Or cette forme envahissante finit par affaiblir un récit pourtant diablement efficace : la mort accidentelle d’un enfant qui rejaillit insidieusement sur l’amitié entre deux voisines. L’amie de la mère de ce garçon, culpabilisant de ne pas avoir sauvé l’enfant, se persuade que la mère va vouloir se venger. D’abord intrigante, la reconstitution sixties finit par devenir criarde et transforme un suspense efficace en exercice de style mal maîtrisé.
Thierry Chèze

JESSICA FOREVER 
★★☆☆☆
De Caroline Poggi & Jonathan Vinel
 

Un film fantastique made in France. Chiadé mais vain. À une production française majoritairement engluée dans ses certitudes de classe n’ayant plus grand-chose à offrir, de nouveaux auteurs répondent heureusement par un certain goût du fétiche, revisitant des pièces oubliées de la maison cinéma : fantastique, burlesque, science-fiction... Citons pêle-mêle : La Fille du 14 juilletGaz de France,GraveLes Garçons sauvagesUn couteau dans le cœur... Voici venu Jessica forever, film SF où de jeunes orphelins menacés d’extermination se regroupent autour d’une reine mère pour survivre. On pense à une variation du Nocturamade Bertrand Bonello dans cette idée de résistance mélancolique par la violence. Dommage cependant que Caroline Poggi et Jonathan Vinel aient tout misé sur l’esthétique de l’ensemble, moins sur l’écriture des personnages.
Thomas Baurez

ALICE T. 
★★☆☆☆
De Radu Muntean

Révélé en 2008 avec Boogie, Radu Muntean fait partie de la nouvelle vague roumaine qui rutile régulièrement dans les festivals internationaux. Alice T.a connu les rivages du lac Majeur de Locarno. On suit une ado rebelle qui épuise tous les gens autour d’elle (et bientôt le spectateur) : ses parents, ses profs, ses camarades... Radu Muntean n’hésite pas à charger la mule en ajoutant une grossesse et des racines familiales incertaines. Il y a bien aussi les cheveux rouges, mais comme disait le poète, on n’est pas sérieux... Bon, et puis quoi ? Il y a la mise en scène à l’épaule de Muntean qui regarde son héroïne s’agiter en tous sens. Du sens, justement, on cherche à en mettre un peu partout, à défaut d’en trouver vraiment. Et si cette ado rebelle représentait la société roumaine d’aujourd’hui ? Une sorte de Marianne qui viendrait buter contre un ordre vacillant ? Peut-être.
Thomas Baurez

COMING OUT 
★★☆☆☆
De Dennis Parrot

C’est un projet pétri de bonnes intentions mais dont la sortie en salles laisse quelque peu circonspect. Ce documentaire compile en un peu plus d’une heure les vidéos de jeunes gays du monde entier, lesbiennes, bi et trans, qui ont choisi de faire leur coming out sur internet. Certains sont accueillis avec empathie par leurs proches, d’autres suscitent incompréhension et rejet. Denis Parrot a le mérite de dresser un panorama assez large des différentes situations et de produire un instantané de notre époque forcément remuant. Mais son film – construit après avoir visionné 1 200 vidéos de YouTube mises en ligne entre 2012 et 2018 – n’échappe pas à un côté catalogue et surtout n’apporte par son montage et son exposition sur un grand écran aucune plus-value essentielle à son sujet.
Thierry Chèze

DIEU EXISTE, SON NOM EST PETRUNYA 
★★☆☆☆
De Teona Strugar Mitevska

C’est un rite ancestral qui se déroule chaque année dans la petite ville de Stip, en Macédoine : un prêtre lance une croix de bois dans la rivière et les hommes plongent pour la récupérer. À la clé pour le vainqueur : bonheur et prospérité. Sauf que cette fois-ci, une jeune femme décide de s’inviter à la fête. Et surtout, de remporter le trophée et de le conserver précieusement malgré les pressions. Inspiré d’une histoire vraie, ce film aborde le combat éternel entre tradition et modernité, dont les femmes sont souvent les premières victimes collatérales. L’intention est noble, le récit maîtrisé. Mais l’ensemble ne se départit jamais d’une trop grande sagesse. Comme la copie parfaite d’une élève un peu trop scolaire qui ne réussit pas à sortir des cadres qu’elle a elle-même élaborés.
Thierry Chèze

HER JOB 
★★☆☆☆
De Nikos Labôt

Le travail est l’avenir de la femme. Du moins permet-il à Panayiota de sortir de sa cuisine où elle fait la popote pour un mari râleur et deux gosses peu reconnaissants. Trouver un job, c’est aller voir ailleurs. Et tant pis si cet ailleurs est un centre commercial et que le travail en question consiste à conduire un petit véhicule pour faire reluire le sol. Cette vie mécanique et répétitive, le Grec Nikos Labôt la filme avec une certaine poésie. Il y a même quelque chose de touchant à observer Panayiota malhabile dans cet environnement rigide, puis à la voir croire peu à peu à une libération possible, un appel d’air. Dire que le film s’enferme dans sa propre narration est à la fois un défaut (l’ennui guette) et une qualité (c’est une allégorie de l’aliénation du personnage). Entre les deux, il y a le cœur d’une femme qui bat. C’est déjà ça.
Thomas Baurez

 

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

CŒURS ENNEMIS ★☆☆☆☆
De James Kent

Cette adaptation d’un best-seller de Rhidian Brook (Dans la maison de l’autre) a un mérite : plonger dans l’Allemagne au sortir de la Seconde Guerre mondiale, contrôlée par les Alliés en charge de remettre ce pays sur pied. Un pan de l’histoire peu traité par le grand écran... mais que ce Cœurs ennemischoisit hélas de survoler, pour mieux se concentrer sur un énième et banal triangle amoureux : un officier anglais envoyé à Hambourg pour rebâtir la ville, sa femme et son amant, propriétaire allemand de la villa réquisitionnée dans laquelle ils ont emménagé. Écrit par les auteurs de La Couleur de la victoire, le quelconque biopic de Jesse Owens, et mis en scène par le très scolaire réalisateur de Mémoires de jeunesseCœurs ennemismanque cruellement de souffle et de surprises. En dépit de la qualité indéniable de ses interprètes, il peine à imprimer l’écran.
Thierry Chèze

 

Et aussi
#Female Pleasure de Barbara Miller
Amir et Mina : les aventures du tapis volantde Karsten Kiilerich
Filles de maide Jorge Amat
Le fruit de l’espoird’Alain Williams
Lettre à Ingerde Maria Lucia Castrillon

 

Reprises
Novecento (1900) de Bernardo Bertolucci