Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVÉNEMENT
LES CHOSES QU’ON DIT, LES CHOSES QU’ON FAIT ★★★★☆
De Emmanuel Mouret
L’essentiel
Emmanuel Mouret raconte le sentiment amoureux avec un mélange de douceur et de cruauté qui fait toute sa singularité.
C’est en 1999 qu’on a découvert en salles le travail d’Emmanuel Mouret. Tout juste diplômé de la Fémis, son film de fin d’études, Promène-toi donc tout nu !, connaît en effet les honneurs du grand écran. Il y joue lui-même un jeune homme soumis à un ultimatum (24 heures pour décider s’il vit ou non avec sa copine) et à qui sa meilleure amie propose de jouer à être sa petite amie pendant cette journée pour lui prouver que toutes les filles se valent. Promène-toi donc tout nu ! est salué chaleureusement par la critique, louant la drôlerie et la légèreté de ce divertimento romanesque en diable. Mais on ne se doute pas alors que le cinéma de Mouret est tout entier contenu dans ces 50 minutes. Son goût du marivaudage, le rapport à la langue, son rythme en apparence nonchalant et pourtant jamais lâche et cette douceur enveloppante qui cache une cruauté aussi savoureuse qu’imparable. Vingt ans donc pour en arriver à ce Les choses qu’ont dit, les choses qu’on fait, son film le plus réussi, le plus fluide, le plus léger, le plus profond et le plus brillant.
Thierry Cheze
PREMIÈRE A ADORÉ
ANTOINETTE DANS LES CÉVENNES ★★★★☆
De Caroline Vignal
On a découvert Caroline Vignal en 2000 avec son premier long métrage, Les Autres Filles. Un récit initiatique sur les premiers émois d’une ado cherchant à s’extraire d’un cocon familial en pleine déliquescence. Sélectionné à la Semaine de la critique et accueilli chaleureusement par la critique, ce film n’a pourtant pas permis à sa réalisatrice d’enchaîner… Et ce n’est donc que vingt ans plus tard qu’elle nous donne de ses nouvelles avec ce qui est à ce jour l’un des plus beaux scénarios de cette année 2020.
Thierry Cheze
PREMIÈRE A AIMÉ
HONEYLAND ★★★☆☆
De Tamara Kotevska & Ljubomir Stefanov
Nommé deux fois aux Oscars 2020 (au titre de meilleur documentaire et meilleur film en langue étrangère), Honeyland suit le quotidien de Hatidze, une apicultrice macédonienne à l’ancienne, sans protection (ou presque), qui veille jalousement à l’équilibre de ses essaims et sur sa vieille mère défigurée et impotente. Un « couple » improbable, éminemment romanesque, que l’arrivée d’une famille turque dans son voisinage immédiat vient perturber. Filiation contrariée, maternité refoulée (qui s’exprime chez Hatidze à travers son attachement pour un enfant des voisins), concurrence déloyale (exercée par le père de la famille turque qui écoule son miel n’importe comment)… Tamara Kotevska et Ljubomir Stefanov dressent le portrait édifiant d’un monde qui, à la fois, s’éteint (Hatidze n’a pas d’héritier) et s’éveille (à l’écoresponsabilité).
Christophe Narbonne
AFRICA MIA ★★★☆☆
De Richard Minier & Édouard Salier
Le producteur de musique et documentariste Richard Minier retrace le parcours d’un groupe pionnier de la world music, Las Maravillas de Mali. Leur histoire commence en 1964, juste après l’indépendance du Mali quand le Cuba naissant de Fidel Castro cherche à brasser les cultures et invite de jeunes musiciens africains à venir se former de l’autre côté de l’Atlantique. Mais, outre la mise en lumière d’un groupe méconnu, ce qui est véritablement passionnant dans ce documentaire, c’est la quête personnelle – l’acharnement pourrait-on même dire ! – de Richard Minier à retrouver les Maravillas. De La Havane à Bamako, en passant par Abidjan et Paris, on suit le réalisateur pendant dix-huit ans dans ses recherches pour reconstituer le groupe. Jusqu’à l’émotion du retour à Cuba… Africa Mia, c’est un film sur la musique, sur la passion et sur l’histoire du monde.
Sophie Benamon
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
J’IRAI MOURIR DANS LES CARPATES ★★☆☆☆
De Antoine de Maximy
Vous connaissez forcément sa trogne d’indécrottable voyageur, qui a fait son métier de se filmer autour de la planète, alors qu’il négocie avec les locaux un coin où passer la nuit. Antoine de Maximy passe pour la première fois à la fiction cinématographique avec J’irai mourir dans les Carpates, déclinaison de son émission phare, J’irai dormir chez vous (qui avait donné naissance en 2008 à un épisode sur grand écran : J’irai dormir à Hollywood).
François Léger
TRIO ★★☆☆☆
De Ana Dumitrescu
Un jour qu’elle marchait dans la rue, Ana Dumitrescu a entendu une musique qui l’a envoûtée. « Immédiatement est né le désir d’un film. » Et de fait, les notes qui sortent du violon de Gheorghe déchirent le cœur. Trio est autant le portrait d’un musicien qu’un regard sur la culture tzigane. Le parti pris est de filmer le quotidien de Gheorghe, aux côtés de sa femme, ses enfants et ses petits-enfants, sans essayer d’y dénicher un quelconque folklore. Et de fait, on se demande parfois ce qu’on fait là dans cette petite cour gorgée de soleil où il ne se passe pas grand-chose. La réalisatrice a opté pour un noir et blanc un brin artificiel, peut-être est-ce une stratégie pour masquer la banalité de certaines situations ? Reste donc la musique. C’est beaucoup et c’est bien peu.
Thomas Baurez
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
LA MAQUISARDE ★☆☆☆☆
De Nora Hamdi
Adaptation de son propre roman éponyme, inspiré par l’histoire de sa mère, le premier film de Nora Hamdi raconte comment une jeune paysanne algérienne devient une maquisarde après un tragique concours de circonstances. Nous sommes en 1956, la guerre d’Algérie bat son plein. Capturée par l’ennemi, la jeune femme se retrouve enfermée dans un lieu secret aux côtés d’une ancienne résistante française convaincue de terrorisme. Dans un louable souci de mémoire et d’hommage féministe aux combattantes de l’ombre, Nora Hamdi signe des portraits plutôt justes et dignes qu’elle intègre à un récit filmé avec un manque cruel de relief : l’image est aussi plate et pauvre que la musique est envahissante et l’interprétation inégale. Un ciné-dossier intéressant sur le fond mais formellement impossible.
Christophe Narbonne
Et aussi...
Une nuit au Louvre : Léonard de Vinci, de Pierre-Hubert Martin
Reprises
Ne vous retournez pas, de Nicolas Roeg
Total Recall, de Paul Verhoeven
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