Fabrice Luchini, François Civil, Hafsia Herzi, Virginie Efira et les comédies françaises décalées pointent aux abonnés absents de la liste dévoilée ce matin. Tentative d’explications.
Fabrice Luchini
Je ne t’aime pas, moi non plus. Ainsi pourrait donc se résumer l’histoire compliquée entre Fabrice Luchini, l’un des acteurs français les plus populaires (depuis 15 ans, tous ses films ont dépassé les 500 000 entrées à l’exception de La Cloche a sonné et Un début prometteur !) et les César. A ce jour, il n’a en effet décroché qu’une seule statuette – celle du second rôle pour Tout ça pour ça en 94 – et a été nommé 6 fois comme meilleur acteur (La Discrète, Beaumarchais, Dans la maison, Alceste à Bicyclette, Ma loute, L’Hermine) sans jamais avoir été récompensé. Cette année, le camouflet est encore plus fort et incompréhensible. A la différence de sa partenaire Anaïs Demoustier, il n’est même pas nommé pour Alice et le maire alors que le film a su trouver son public et que sa prestation, plus sobre et moins flamboyante qu’à l’accoutumée, avait été unanimement saluée par la critique. Comme si Luchini n’était pas assez bon camarade dans une compétition où cela a toujours eu son importance
Virginie Efira
Le festival de Cannes – et plus particulièrement sa sélection en compétition et hors compétition concoctée par Thierry Frémaux - était à la fête ce matin. 12 nominations pour Les Misérables (dont le César du public), 11 pour La Belle époque, 10 pour Portrait de la jeune fille en feu, 8 pour Hors normes, 7 pour Roubaix une lumière, 3 pour Atlantique sans compter 5 des 7 longs métrages nommés au César du film étranger (Parasite, Once upon a time… in Hollywood, Douleur et gloire, Le Jeune Ahmed, Le Traître)… Et cet inventaire à la Prévert rend forcément plus douloureux le fait de ne pas être de la fête. Ce qui s’est hélas produit pour le Sibyl de Justine Triet où Virginie Efira a délivré une composition acclamée par l’ensemble de la critique. Et, du côté des sections parallèles, pour Une fille facile de Rebecca Zlotowski, pourtant récompensé par le Grand Prix de la Quinzaine des Réalisateurs. Avec une seule femme (Céline Sciamma) nommée au César de la meilleure réalisatrice, l’idée de votants qui peinent à célébrer les talents féminins continue forcément à prospérer
César 2020 : Voici la liste des nommésFrançois Civil
Il était présent en tête d’affiche de pas moins de quatre films en 2019 : Le Chant du loup (nommé à 3 reprises), Mon inconnue (nommé via Benjamin Lavernhe en second rôle), Celle que vous croyez et Deux moi (pas du tout cités). Mais François Civil a subi comme beaucoup avant lui l’inévitable déperdition des votes entre ces quatre projets si bien qu’aucun ne lui a permis d’accéder aux nominations du César du meilleur acteur. Abondance de biens nuit parfois.
Hafsia Herzi
Découvert avec enthousiasme à la Semaine de la Critique et récompensé quelques mois plus tard pour sa mise en scène au festival du film francophone d’Angoulême, Tu mérites un amour d’Hafsia Herzi faisait partie des favoris à la nomination au César du premier long métrage (et son génial interprète Djanis Bouzyani à celui de la révélation masculine). Son absence monte que le ticket d’entrée était particulièrement élevé dans une année où trois premiers films (Les Misérables, Au nom de la terre, Le Chant du loup) ont fait de gros scores au box- office et où un quatrième (Atlantique) a bénéficié de son Grand Prix au palmarès cannois. Il n’y avait qu’une place à prendre et la présence de Papicha est, pour cette raison, une sacrée performance pour Mounia Meddour et un beau tremplin pour voir sa brillante interprète Lyna Khoudri, remporter le César de la révélation féminine. Mais son absence symbolise aussi celle de tout un pan d’un cinéma d’auteur français pourtant primé et nommé par ailleurs, de Synonymes (Ours d’Or à Berlin) à Ne croyez surtout pas que je hurle (documentaire nommé au Delluc du premier film) en passant par Nevada (Lumière du premier film, par ailleurs récompensé d’un Gotham Award outre- Atlantique)
Le Daim, Perdrix et Yves
On dit toujours que les comédies sont toujours les parents pauvres des César. Une idée reçue à nuancer car Les Ripoux, Trois hommes et un couffin, Le Goût des autres, Les Garçons et Guillaume à table !, L’Oeil au beurre noir, La Discrète, La Vie est un long fleuve tranquille, Les Trois frères, Didier, Je vous trouve très beau ou encore Les Beaux gosses y ont été primés. Car ce ne sont pas les comédies en elles- mêmes qui sont snobées par les votants mais la frange la plus décalée de celle- ci, trop originale et trop clivante pour susciter une adhésion massive. L’absence de toute nomination pour Le Daim de Quentin Dupieux, Perdrix de Erwan Le Duc et Yves de Benoît Forgeard, pourtant tous trois sélectionnés hors compétition sur la Croisette, en apporte une fois encore la preuve et c’est bien dommage.
Oublis, erreurs et "lapsus" : Retour sur les couacs des nominations des César 2020
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