Entre training intensif et torrents d’amour, les acteurs du film de Sean Durkin nous racontent comment ils sont devenus les frères Von Erich, superstars du catch et héros tragiques.
Il y a quatre acteurs sur la photo ci-dessus mais seulement trois dans l’écran de la conversation Zoom. Harris Dickinson – le blond à gauche, le mannequin du Sans filtre de Ruben Östlund – a un mot d’excuse : il a été retenu sur un tournage. Mais sinon, les voici, trois des quatre frères Von Erich, par ordre d’apparition dans l’interview qui suit : Zac Efron, la star du film, pro, carré, en quête éternelle de respectabilité depuis ses débuts dans High School Musical ; Stanley Simons, inconnu au bataillon, qui joue le plus fragile et « artiste » des frangins ; et Jeremy Allen White, l’acteur US le plus courtisé du moment, adulé pour la série The Bear, ses allures de néo-Sean Penn et sa cinégénie hallucinante.
PREMIÈRE : Comment avez-vous développé l’extraordinaire sentiment d’amour et de fraternité qui palpite entre vous dans Iron Claw ?
ZAC EFRON : On s’est entraînés au catch ensemble tous les jours, plusieurs heures par jour, trois semaines d’affilée... Essayez, vous verrez, ça crée des liens !
STANLEY SIMONS : Au bout d’un moment, c c’est vrai, les rapports entre nous dupliquaient un peu ceux des frères Von Erich entre eux.
JEREMY ALLEN WHITE : On était un peu isolés, la préparation et le tournage ayant lieu à Bâton-Rouge, en Louisiane. On découvrait ce monde ensemble, petit à petit. Pas seulement la vie des Von Erich, mais le monde du catch professionnel dans son ensemble. On a été coachés par un catcheur extraordinaire nommé Chavo Guerrero, on a appris à s’apprécier, à s’entraider... Tout ça s’est fait très naturellement, j’ai trouvé ces mecs faciles à aimer.
ZE : C’était essentiel qu’il y ait cette alchimie entre nous parce que la fraternité est centrale dans l’histoire des Von Erich. C’est elle qui leur a permis d’arriver au sommet de ce sport. Et c’est grâce à elle qu’ils ont pu encaisser les tragédies qui les frappaient.
La rivalité, la performance, l’apparence... On peut tracer pas mal de parallèles entre les catcheurs et les acteurs, non ?
JAW : Ouais, quand j’ai commencé dans le métier, j’ai été traversé par certains des sentiments négatifs qui agitent les gens dans ces milieux très compétitifs, où l’apparence joue un rôle essentiel : la jalousie, cette sensation d’être rejeté, pas désiré... Ce qui est intéressant avec les Von Erich, c’est qu’ils sont à la fois en compétition entre eux et liés par un immense amour. Comment se fait la balance entre les deux, entre la rivalité et la fraternité ? Une des clefs du film était là.
Attention, la suite contient des spoilers sur la vie des frères Von Erich
Comment avez-vous pénétré leur monde ?
SS : Sean [Durkin] avait amassé au fil des ans une montagne d’archives. La famille Von Erich a été beaucoup filmée, sa vie a été racontée en détail dans la presse spécialisée. Une des choses les plus utiles, pour moi, ça a été ces home movies que Fritz, le père, tournait dans leur ranch, quand les frères étaient petits. On voit sur ces vidéos comment ils se comportaient entre eux, mais aussi toute cette atmosphère texane ensoleillée, si belle, avec les chiens, la nature, les courses de motos...
JAW : L’archive clé, pour moi, c’est cette vidéo filmée juste après l’accident de moto de Kerry, dans lequel il a perdu son pied. Il parle aux journalistes, regarde la caméra en souriant, explique qu’il va bientôt remonter sur le ring. Ce qu’il a fini par faire, grâce à une chaussure spéciale, mais au prix d’une douleur incroyable. Il a continué parce qu’il pensait que c’était ce qu’il devait faire : ne montrer aucun signe de faiblesse. Quand on regarde bien cette vidéo, on perçoit sa douleur, mais aussi sa peur de perdre une part si fondamentale de son identité. C’est une des questions que pose le film : qu’y a-t-il dans la vie de ces hommes quand soudain ils n’ont plus à se battre, à aller remettre leur titre en jeu sur le ring ?
ZE : L’image d’archives qui m’a guidé est un moment où l’on voit brièvement l’armure de Kevin Von Erich se fendiller. On a recréé ce moment dans le film, d’ailleurs. C’est l’enregistrement d’une vidéo promo où il doit apostropher un adversaire. Mais Kevin n’a pas vraiment la faconde d’un catcheur pro, c’est son talon d’Achille. Il hésite, force sa nature... À ce moment précis, il n’est pas dans la performance, pas non plus dans son intimité, mais pile entre les deux, à la fois sincère, désarmé, et tentant de jouer un rôle. L’interstice idéal pour s’y glisser en tant qu’acteur.
Commentaires