"De toute la trilogie, en fait. Ces films représentent treize ans de ma vie."
Mise à jour du 5 avril 2023 : Alors qu'on attend sa série dérivée de L'Auberge espagnole prévue sur Prime Video (Salade Grecque arrivera le 14 avril), Arte consacre un cycle à son réalisateur, Cédric Klapisch. Qui démarre ce soir avec la rediffusion du premier volet. Et comme c'est son créateur qui en parle le mieux, nous republions ses propos d'il y a trois ans à propos de sa trilogie, sortie au cinéma entre 2002 et 2013.
Article du 19 avril 2019 : Cédric Klapisch est revenu cette semaine dans son lycée pour parler de sa carrière aux étudiants de l'option cinéma. Invité par l'association Un Artiste à l'école, il a évidemment évoqué Le Péril jeune, co-écrit avec deux copains de lycée, Santiago Amigorena et Alexis Galmot, une œuvre directement inspirée par leurs expériences vécues dans les années 1970 au sein de l'établissement Rodin, dans le XIIIe arrondissement de Paris. Les questions ont aussi fusé à propos de L'Auberge espagnole, son joli succès de l'année 2002 (le film a récolté près de 3 millions d'entrées à l'époque), qui a donné naissance à deux suites : Les Poupées russes, en 2005, et Casse-tête chinois, en 2013. Voici quelques anecdotes amusantes sur leur création.
7 choses à savoir sur Cédric KlapischUne trilogie qui a changé des vies
"Je suis très fier de L'Auberge espagnole. De toute la trilogie, en fait. Ces films représentent treize ans de ma vie, et ce qui est fou, c'est la répercussion qu'ils ont pu avoir sur celle des gens. Surtout le premier. Après sa sortie, les universitaires se sont rués sur le programme Erasmus, et encore aujourd'hui, des gens me disent que ce film a chanté leur vie : 'Après avoir vu votre L'Auberge espagnole, je suis parti à Milan pendant six mois, et c'est là que j'ai rencontré ma femme, une Italienne. Maintenant on a des enfants…' C'est le seul de ma filmo qui entraîne de telles réactions, et c'est très fort."
Une double inspiration
"Plus jeune, j'hésitais entre les métiers de photographe et de réalisateur. J'ai pu tourner des courts métrages dans le cadre de mes études et j'ai rapidement eu envie de travailler dans ce domaine, mais après la fac de cinéma, j'ai raté le concours d'entrée à l'IDHEC (l'ancêtre de la Fémis). Je suis alors parti à New York pour suivre un cursus dédié au 7e art. Ca a duré deux ans, dans les années 1980, avec des hauts et des bas.
Bien plus tard, ma sœur a vécu plusieurs mois à Barcelone, elle s'était inscrite à l'un des premiers programmes Erasmus et quand je suis allée la voir, j'ai su que c'était plutôt sa vie en coloc' que je raconterais dans un film. J'avais quarante ans et ça m'a frappé : ce qu'elle vivait était bien plus intéressant que mes souvenirs d'étudiant solitaire s'adaptant dans une mégalopole quinze ans plus tôt ! Elle vivait dans un appartement avec plusieurs étudiants de nationalités différentes. Ils se partageaient le frigo, les tâches ménagères, ils parlaient tous un mélange d'anglais, d'espagnol, de français… Ca a vraiment donné les bases du film."
L'importance de l'improvisation
"Il y a deux films que j'ai énormément réécrits en cours de fabrication : Chacun cherche son chat et L'Auberge espagnole. J'avais les grandes lignes de cette histoire de colocation, mais les personnages sont surtout nés du casting, puis ont été étoffés avec des idées venues sur le tournage. Par exemple, le personnage du frère anglais n'avait pas vraiment de consistance avant de rencontrer Kevin Bishop. Le jour de son audition, c'était un vrai moulin à paroles, il abordait tout le monde sans gène, se lançait dans des grandes discussions ou se mêlait de la vie des gens, donnait son avis sans se soucier des réactions…
Résultat, William a exactement ces caractéristiques ! Il ne s'est pas vexé en découvrant que j'avais pris ça de lui, alors j'ai continué : une fois sur le tournage, un soir, on a organisé une fête et il a fait semblant de vomir pour faire marrer les copains. Il le faisait tellement bien que le lendemain, j'ai modifié une séquence pour que son personnage soit malade. Tout ça parce qu'il vomissait trop bien ! (Rire.)
Mon meilleur souvenir à ce sujet, c'est l'arrivée d'Audrey Tautou à Barcelone. Elle n'avait que trois jours sur place, alors le premier soir, elle m'a posé plein de questions pendant le dîner, en m'avouant qu'elle ne savait tout simplement pas ce qu'elle avait à jouer. 'Sur mon script, il y a seulement écrit : 'Elle déteste tout le monde, et tout le monde la déteste.' Je fais quoi ?' (Rire). Alors on a discuté et on a crée ensemble ces quelques scènes de malaise avec Xavier (le personnage de Romain Duris) : ils sont dans la coloc', disent aux autres qu'ils vont faire une sieste, alors ils se moquent d'eux en comprenant qu'ils vont surtout faire l'amour, et finalement ils s'engueulent en se déshabillant. C'était du travail d'équipe, en fonction des personnalités de chacun."
La construction d'une trilogie
"Je ne pensais pas lui offrir de suite, même si on me la réclamait souvent après la sortie de L'Auberge espagnole. L'envie est venue deux ans plus tard. Je me suis demandé comment avait évolué Xavier , je l'imaginais dans d'autres pays… Entre temps, les acteurs étaient devenus célèbres, mais avant le premier film, Romain Duris était peu connu, Cécile de France idem, et Audrey Tautou avait joué dans Amélie Poulain, mais le film n'était pas encore sorti. Je me souviens d'ailleurs que le premier jour de tournage de L'Auberge espagnole correspondait au moment où Jean-Pierre Jeunet allait sortir Amélie au cinéma. Elle m'avait même dit : 'J'espère que ça va marcher !' (Rire).
"Chaque film est différent, car il suit une nouvelle étape des vies de Xavier, Martine, Isabelle, Wendy etc. En plus, j'essaye sur chaque projet de ne pas tomber dans la routine, dans la redite, même en travaillant sur des suites. Aujourd'hui, c'est une trilogie qui n'est pas parfaite, mais qui m'est très personnelle, comme Le Péril jeune, qui s'inspire directement de mes années lycée."
Une trilogie ancrée dans son époque
"Depuis la sortie, je suis censé être un grand expert de l'Europe, on m'interviewe même à propos du Brexit ! (Rire.) Sauf qu'en préparant L'Auberge espagnole, on ne se rendait pas vraiment compte qu'on racontait une histoire aussi ancrée dans son époque. On ne le voit qu'après, ça. Quand le film est fini ou quand on retombe dessus plusieurs années après à la télé. En le revoyant, c'est marquant, il y a des détails qui font effectivement 'début des années 2000'. Par exemple, on l'a tourné juste avant le passage à l'euro. Il y a donc des francs et des pesetas dans L'Auberge espagnole."
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