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Ce qu’il faut voir ou pas en salles cette semaine.

PREMIÈRE A AIMÉ

L’Odyssée ****
De Jérôme Salle

L’essentiel
Un biopic captivant sur l’homme derrière le commandant Cousteau.

Le principal risque quand on veut réaliser un biopic, c’est d’avoir tellement de matière disponible qu’il est tentant de tout traiter pour être sûr de ne pas passer à côté de quelque chose. Le résultat pâtit souvent de cette absence de choix sans lequel il n’y a plus ni storytelling ni mise en perspective. Jérôme Salle évite cet écueil avec brio.
Christophe Narbonne

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La Fille inconnue ***
De Luc & Jean-Pierre Dardenne

Jenny Davin est médecin généraliste dans la banlieue de Liège. Elle voit son quotidien bouleversé par la mort violente d’une jeune femme à qui elle n’a pas ouvert sa porte, un soir de fatigue. Dès lors, elle va tout mettre en oeuvre pour découvrir qui était la victime.
Le sujet est magnifique : il est question de culpabilité, de la façon dont on l’exorcise et dont on la transmet par maladresse ou par accident.  Lors de son enquête, Jenny s’abaissera, puis se grandira, transformant ceux dont elle a croisé la route. C’est une trajectoire mystique, pour ne pas dire christique, que propose La Fille inconnue, film doux et brutal à la fois, nouvelle plongée mystérieuse dans la psyché féminine que les frères Dardenne explorent avec leur savoir-faire habituel. C’est ce « métier » qui leur a été un peu arbitrairement désapprouvé à Cannes – ce même métier qui n’a pas été reproché à Ken Loach. Adèle Haenel compose admirablement cette Jenny, accablée mais déterminée, digne héritière des Rosetta, Lorna et autres Sandra.
Christophe Narbonne

Captain Fantastic ***
De Matt Ross

Vivant isolé de la société dans des forêts reculées des États-Unis, un père consacre son existence à faire de ses six enfants d’extraordinaires adultes. Mais le destin va l’obliger à interroger ses méthodes d’éducation. C’est l’histoire d’un homme qui s’est construit contre le système et a décidé de faire de ses gamins des têtes pleines et des libres penseurs dans des corps affûtés. Une famille dont les membres chassent pour se nourrir, célèbrent le Noam Chomsky Day au lieu de Noël et discutent de notions avancées en astrophysique. Pour son deuxième film comme réalisateur, Matt Ross explore une merveilleuse utopie qui se télescope douloureusement avec la « vraie » vie. Un road-trip familial qui réchauffe le coeur par sa sincérité absolue et aborde, l’air de rien, des questions philosophiques essentielles sur la parentalité et la liberté. Face à l’impeccable Viggo « Papa » Mortensen, le casting constitué de tout jeunes acteurs fait des étincelles. Un film lumineux de la première à la dernière scène.
François Léger

Les films au cinéma du mercredi 12.10.2016 par PremiereFR

PREMIÈRE A PLUTÔT AIMÉ

Cigognes et Compagnie **
De Nicholas Stoller

Les cigognes ne livrent plus de bambins, elles se sont reconverties dans le transport de colis plus classiques (téléphones, frigos…). Jusqu’au jour où la maladroite mais toujours motivée Tulipe, seule humaine à avoir grandi parmi les oiseaux suite à un gros souci de livraison, relance la machine pour répondre au rêve d’un petit garçon qui aimerait avoir un « petit frère ninja » tant il s’ennuie à jouer tout seul pendant que ses parents croulent sous le travail… Conception et éducation des enfants, gestion de la vie de famille et stress lié au boulot sont au cœur de ce drôle de film d’animation mélangeant des thèmes pas vraiment enfantins tout en se déroulant à 200 à l’heure, ce qui donne un résultat assez bancal. Le studio Warner Animation Group avait réussi son coup avec La Grande aventure Lego (dont les metteurs en scène Phil Lord et Chris Miller sont d’ailleurs ici producteurs), en parvenant à se moquer méchamment des dérives capitalistes tout en faisant rire les petits et les grands. On sent bien que l’équipe voulait renouveler l’exploit avec Cigognes et compagnie, en s’attaquant cette fois aux concepts de « famille parfaite » et de « travail épanouissant ». Malheureusement, l’ensemble est plus bordélique, et qui plus est visuellement agressif : dans une succession de plans rapides se croisent de nombreux personnages fluo, bavards et dessinés sans grande originalité. (...) 
Pourtant, au milieu de cette frénésie se trouvent quelques séquences qui regorgent d’inventivité. (...) Une est particulièrement réussie, lorsque vers la fin du film, le duo et des pingouins –baby-sitters évidemment- se livrent un combat silencieux, pour ne pas réveiller le bébé à livrer. Bien pensée, la bataille muette fait du bien après tant de péripéties bavardes, et elle rend au passage un bel hommage aux slapsticks, à commencer par les Looney Toons, célèbres dessins animés télévisés de la Warner Bros. L’ensemble aurait mérité plus de moments calmes comme celui-ci pour qu’on ait le temps de s’attacher véritablement aux personnages, même si la toute fin, bien qu’attendue, parvient enfin à émouvoir.
Elodie Bardinet

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

Voyage à travers le cinéma français *
De Bertrand Tavernier

En racontant sa jeunesse cinéphile, Bertrand Tavernier analyse ses cinéastes français préférés : Jacques Becker, Jean Renoir, Jean-Luc Godard, Jean-Pierre Melville. Des années 30 à la Nouvelle Vague, voyage au coeur d’un cinéma essentiel.
À l’origine le récit est parallèle : le Tavernier d’aujourd’hui raconte le Tavernier enfant et malade qui découvre Dernier atout, un film de Becker, au sanatorium. Et, le documentaire d’enchaîner avec un cours magistral sur l’oeuvre de ce dernier. Le cinéma qui éclaire la vie et lui donne un nouveau sens, l’idée n’est pas récente mais reste passionnante lorsqu’elle est tenue.
Ce n’est pas le cas de Voyage à travers le cinéma français, documentaire écrasant et mal équilibré. Parce qu’il s’agit de la première pierre d’un ensemble plus vaste (une série de neuf heures) on s’explique mieux sa durée invraisemblable (195 minutes !). Mais la promesse du voyage se transforme en errance où l’immense culture de Tavernier s’égare dans d’interminables digressions (sur le plan-séquence du Crime de Monsieur Lange) qui auraient été mieux développées en épisodes. Le cinéaste en appelle à l’« esprit français » (formule aussi vide qu’impressionnante) quand il n’a rien d’autre à dire. Et ce n’est que lorsqu’il explore une cinéphilie périphérique (le réalisateur Edmond T. Gréville et le compositeur Maurice Jaubert), opposée à une plus convenue (Jean-Pierre Melville ou Jean Renoir), que le spectateur se réveille.
Sylvestre Picard

Et aussi
Deepwater de Peter Berg
La Pièce – les derniers seront les premiers de Lamine Diakité
La fabuleuse histoire de Célestine d’Eric Dick
Virtual Revolution de Guy-Roger Duvert
L’homme flottant d’Eric Bu
Sonita de Rokhsareh Ghaem Maghami

Et les reprises de
Le temps d’aimer et le temps de mourir de Douglas Sirk
Moi, un Noir de Jean Rouch
Du soleil dans les yeux d’Antonio Pietrangeli