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Près de trois ans après son tournage, le western arrive enfin au cinéma. Retour sur sa production compliquée.

Tout commençait bien pour Jane Got a Gun. Cette histoire de vengeance (une femme s’allie avec son ex-amant pour traquer les hors-la-loi qui ont sauvagement blessé son mari) figurait sur la "black list" des meilleurs scénarios dès 2011. Repéré par Natalie Portman un an plus tard, qui décide de le produire et d’en être l’héroïne, le texte de Brian Duffield devait être mis en scène par Lynne Ramsay, alors en pleine reconnaissance, car son drame We Need to Talk About Kevin avait marqué les esprits lors du festival de Cannes 2011. Ce western indépendant devait être tourné au printemps 2013 et sortir au plus tard durant l’été 2014, mais rien ne s’est passé comme prévu.

Mars – août 2013 : Le tournage démarre mal
Avant même de commencer les prises de vue, Michael Fassbender, choisi pour incarner l’ex de l’héroïne, doit jeter l’éponge, retenu sur X-Men Days of Future Past. Joel Edgerton, qui devait interpréter le mari de Jane, se voit offrir son rôle. Quant au grand méchant de l’histoire, il doit être incarné par Jude Law.

Malgré ces chamboulements de dernière minute, le début du tournage reste fixé au 18 mars. Le jour J, mauvaise surprise : la réalisatrice ne se présente pas sur le plateau. Le producteur Scott Steindorff s’emporte, expliquant à Deadline qu’il a déjà investi "des millions de dollars et que tout le monde était prêt. On a une super équipe, de bons comédiens, un scénario bien écrit. Je suis choqué et tellement déçu que quelqu’un qui a 150 personnes dévouées à sa cause se permette de ne pas se présenter." Il se veut tout de même rassurant : "Les réalisateurs se bousculent. Son remplacement est imminent".

En effet, seulement deux jours après, Gavin O’Connor (qui a connu un certain succès avec Warrior, déjà porté par Joel Edgerton), signe pour prendre le relai. Il propose au scénariste de son film de boxe de retravailler l’histoire avec Anthony Tambakis et le comédien qu’il connait bien. Le film est sauvé ? L’équipe peut souffler ? Pas si vite : entre temps, Jude Law a lui aussi abandonné le projet, tout comme le chef opérateur Darius Khondji, car ils avaient tous les deux signé pour travailler avec Ramsay. Bradley Cooper accepte de remplacer le comédien, mais il doit rapidement revenir sur son offre, car il a déjà signé pour American Bluff et ne peut concilier les deux. En revanche, le rôle du mari trouve preneur : il sera incarné par Noah Emmerich.

A cause de tous ces changements, les prises de vue doivent être repoussées de quelques semaines. En août, Ewan McGregor succède enfin à Cooper, ce qui marque ses retrouvailles avec Natalie Portman, huit ans après Star Wars 3. Mandy Walker, la directrice de la photographie d’Australia pour Baz Luhrmann, arrive elle aussi en renfort. Cette fois, c’est parti, le tournage est bel et bien lancé. Relativity Media et la Weinstein Company s’associent pour sortir Jane Got a Gun le 29 août 2014, soit pile un an plus tard.

Novembre 2013 : La production et l’ex-réalisatrice au cœur d’un procès
En novembre, les producteurs de Jane Got a Gun lancent officiellement une procédure contre Lynne Ramsay, qui aurait touché la majeure partie de son salaire avant d’abandonner le film -500 000 dollars sur 800 000. Elle est également accusée d’avoir été "régulièrement sous l’emprise de l’alcool durant la pré-production". Pire, elle aurait eu "un comportement dangereux, ne respectant pas le protocole de sécurité concernant les armes factices mises à disposition sur ce type de tournage". Lynne Ramsay se défend, jure que toutes ces accusations sont fausses. Les détails des négociations ne sont pas dévoilés, mais à la mi-novembre, l’affaire est bouclée. Les deux camps ont visiblement trouvé un accord à l’amiable.

Novembre 2013 – juillet 2015 : une longue post-production
Sur cette période, le western est repoussé deux fois, sans que le distributeur ne communique de raison précise. D’abord reporté au 20 février 2015, Jane Got a Gun est finalement annoncé le 4 septembre. Que s’est-il passé entre temps ? Pourquoi si peu d’images ont filtré ? A peine quelques photos ont été mises en ligne, mais pas de bande-annonce ni d’affiche. Le projet semble stagner.

Juillet 2015 : Relativity Media fait faillite
La réponse à toutes ces interrogations tombe deux mois seulement avant la date de sortie officielle de Jane Got A Gun : Relativity Media va devoir mettre la clé sous la porte. Certains films annoncés depuis longtemps sont tout bonnement annulés, à l’image du remake de The Crow, mais que faire de ceux qui sont déjà tournés ? Le distributeur cherche à revendre ses longs-métrages, ce qui reporte une nouvelle fois la sortie de Jane Got a Gun. Le cas de ce film en particulier fait cependant partie des plus faciles à régler, comme la Weinstein Company le coproduisait depuis le début. Le groupe se chargera donc de le distribuer, mais cela demande de repenser entièrement la stratégie marketing. A ce moment-là, tout est encore à faire.

Le 21 octobre, la première bande-annonce de Jane Got a Gun tombe, et le long-métrage est fixé au 29 janvier aux Etats-Unis, soit hors de la saison des prix. Le western a décidément trop souffert de ses problèmes de production...

En France, il aurait dû sortir un peu plus tôt, le 25 novembre, mais il fait partie de ces productions qui ont été reportées suite aux attentats (à cause de son titre ?). Il sort finalement aujourd’hui, un an et demi après sa date originale, et près de trois sans après son tournage. Natalie Portman l’aura défendu jusqu’au bout : elle était cette semaine en France pour promouvoir son film féministe.

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Bande-annonce :