La première bande-annonce de L'Amour dure trois ans est tombée hier soir. Où l'on découvre que l'écrivain, éditeur, publicitaire, chroniqueur, animateur et DJ, Frédéric Beigbeder teste maintenant le métier de réalisateur en adaptant son propre roman, L’amour dure trois ans, « le journal intime d’un type qui se réveille d’un conte de fée. » Avant de lui signer un CDI, entretien d'embauche. L'interview intégrale est à lire dans le nouveau magazine Premiere, en kiosque.Par Stéphanie LamomeC’est votre première interview en tant que metteur en scène… Ça fait quoi d’être dans l’autre camp ?Je préfère poser les questions plutôt que d’y répondre. C’est pour ça que j’écris des livres et que là, j’ai fait un film. Est-ce que l’amour peut durer plus de trois ans ? Je pose la question depuis quinze ans, mais je n’ai toujours pas la réponse. Les femmes et les hommes sont-ils faits pour ne pas s’entendre ? Sommes-nous si différents ? Est-ce qu’on ne s’en fout pas un peu aussi de cette question ? C’est ce que dit Woody Allen dans Whatever Works. Je me demande si ce n’est pas la meilleure manière de résoudre le problème.Ce qui surprend le plus quand on voit votre film, c’est à quel point il est dénué non pas de pessimisme, mais de cynisme. C’est une vraie comédie romantique.Je n’aime pas tellement le terme « comédie romantique ». Ça fait fabriqué, avec des passages obligés. Je préfère parler de film d’amour, mais j’espère qu’il y a de la guimauve ET du cynisme. C’est quand même l’histoire d’un type qui divorce, tente de se suicider, écrit un pamphlet, avant de retomber amoureux. Je voulais faire un film qui soit un marivaudage moderne sans mièvrerie. Chaque scène d’émotion est contrebalancée par une vanne ou un gag. C’est sans doute la peur du premier degré, cette trouille qui est la grande paralysie de ma génération.Chez quels cinéastes trouvez-vous cet équilibre ?Woody Allen, justement. Ou Apatow, en particulier dans En cloque, mode d’emploi. D’ailleurs, j’ai beaucoup obéi à son livre d’entretiens où il donne sa méthode de travail. Et si on remonte plus loin, La Garçonnière, Elle et lui, Rendez-vous... Là, bien sûr, je passe pour un gros connard à citer ce genre de références écrasantes alors que je fais mon premier film. Je ne me considère ni comme un cinéaste, ni comme un réalisateur, ni comme un metteur en scène, juste comme un mec à qui on a donné un jour la chance d’essayer de « capter des talents ». Depuis que j’anime Le Cercle (diffusée sur Canal+ Cinéma), je vois 300 films par an. J’ai découvert un cinéma que j’ignorais, des films iraniens, turcs, mais aussi de gros navets. C’est eux qui m’ont motivé à faire mieux. Et puis j’ai commencé le tournage de L’amour dure trois ans le lendemain de la clôture du festival de Cannes, nourri par tous les grands films que j’y avais vu, de Drive à Polisse en passant par Melancholia, The Artist... C’est très pratique pour quelqu’un de paresseux comme moi, Cannes : depuis quelques temps, on y voit les quinze meilleurs films de l’année. Merci Thierry Frémaux ! Alors c’est vrai, j’ai toujours dit que je ne tomberai jamais dans le panneau du romancier qui se prend pour Orson Welles, mais je me suis laissé tenter après cinq ans d’indécision. La faute peut-être aussi à mon expérience dans la pub.C’est-à-dire ?Pendant dix ans, j’ai été concepteur-rédacteur. J’ai traîné sur les plateaux de tournage, collaboré étroitement avec de grands metteurs en scène comme Ridley Scott ou David Lynch sur des dizaines de spots. C’est grisant, ce pouvoir qu’on a sur un plateau.Vous vous êtes révélé tyrannique pendant le tournage ?Houellebecq m’avait dit « Tu verras, c’est très agréable, tu vas te transformer en dictateur » Or, pas du tout. Je me sentais plutôt comme une maîtresse de maison qui organise un bal et veut que tout le monde soit content. Ça, je sais faire car ma mère m’a très bien élevé et il y avait tout le temps des cocktails chez moi. J’ai donc organisé le tournage comme une soirée qui commencerait à 7 heures du matin…