Première
par Thomas Agnelli
Au départ comique, le scénario épouse peu à peu le point de vue dramatique de cette briseuse de couples dépressive qui agresse la cellule familiale, manipule pour parvenir à ses fins, simule l’humilité, jalouse les nouveaux-nés et porte en elle les stigmates d’une souffrance affective pathologique. Pendant plus d’une heure trente, elle ne trompe personne : tout le monde peut lire en elle comme dans un livre ouvert et l’on guette patiemment le moment où les masques vont tomber. Une sous-intrigue vient cependant tempérer la cruauté du propos : à la place de son amour de jeunesse (Patrick Wilson, formidable en ex-play-boy qui porte tellement bien les pulls de jeune papa), cador éteint dont le disque dur personnel des années 90 a complètement crashé, Mavis retrouve surtout l’ancien freak éclopé du lycée (excellent Patton Oswalt), qui devient son confident. Cette amitié entre l’ex-reine du bal de promo et le geek impuissant, fausse piste semblant indiquer une possible rédemption, aurait été convenue, si elle ne véhiculait la profonde mélancolie des fantasmes accomplis sur le tard. Sans jamais chercher le coup de force narratif, Jason Reitman et Diablo Cody mélangent le passé et le (re)devenir pour parler du sentiment d’échec qui tord le ventre. L’alchimie entre le réalisateur et la scénariste fonctionne encore mieux que dans Juno, leur précédente collaboration : il a la discrétion du metteur en scène qui s’efface derrière ses personnages; elle utilise les mots comme des armes, sans s’abîmer dans la leçon de choses. Young Adult n’est donc pas un film générationnel fait par et pour des trentenaires décalcifiés. Comme le titre l’indique, il capte les limbes entre deux âges, cette pénible attente entre les réminiscences brumeuses de l’adolescence et les contingences du passage à l’âge adulte, en communiquant une trouille partagée par tout le monde : celle d’être passé à côté de sa vie.