Et si le célèbre thriller avait été réalisé par Oliver Stone, avec Leonardo DiCaprio dans le rôle de Patrick Bateman ?
American Psycho fête ses 20 ans. Dans un entretien fleuve pour Vulture, Mary Harron, la réalisatrice, est revenue sur la genèse du thriller déjanté qui a fait décoller la carrière de Christian Bale. Si le film est aujourd’hui presque aussi culte que le livre de Bret Easton Ellis, il aurait pourtant pu être tout autre. Désaccords avec la production au sujet du rôle-titre, changement de réalisateur en cours de route : la cinéaste a dû faire des pieds et des mains pour imposer sa vision de l’adaptation du roman et rester aux commandes du projet qui, il y a vingt ans, était jugé bien trop subversif.
Rien n’a été simple, donc, à commencer par le casting. Si Christian Bale est aujourd’hui une évidence dans le rôle du sadique Patrick Bateman, la réalisatrice se souvient qu’il n’était pas du goût de la production, qui lui préférait une autre star montante de l’industrie du cinéma. Elle, pourtant, n'avait que Bale en tête. "Ça faisait des lustres que je parlais du rôle à Christian. On s’entendait très bien, on avait la même vision du personnage, se souvient-elle. J’avais déjà rencontré d’autres acteurs, mais personne ne convenait pour le rôle. Jusqu’à lui. Il a pris l’avion pour New-York et a passé l’audition dans mon salon. Il avait du mal avec l’accent car il venait de tourner Velvet Goldmine, où il prenait l’accent de Manchester. Mais la façon dont il parlait du rôle… Il le comprenait." Mary Harron se souvient avoir envisagé un moment d’engager Billy Crudup (Spotlight) pour le rôle, mais l’acteur était un peu trop réticent.
American Psycho : Christian Bale a appris que les acteurs le trouvaient nullissime pendant le tournageUn jour, elle reçoit un appel des producteurs. "Ils m’ont dit ‘Tu es bien assise ? Leonardo DiCaprio veut jouer le rôle et ils veulent le payer 20 millions de dollars, mais ton budget (pour le film) restera de 6 millions.’ Et j’ai répondu ‘C’est l’idée la plus stupide que j’ai jamais entendue.’", affirme-t-elle. En plus d’être impossible à financer, la cinéaste ne voyait pas du tout la star, qui venait tout juste d’exploser dans Titanic, dans la peau d’un pervers sadique comme Bateman. "Il ne convenait pas du tout, poursuit-elle. Et puis, avoir une jeune star qui est l’idole de millions d’adolescentes ? C’est se tirer une balle dans le pied. Je n’aurais pas été en mesure de réaliser le film comme je l’entendais car tout le monde aurait été paniqué."
Mais les producteurs insistent et demandent à Mary Harron de rencontrer l’acteur. Rien à faire, la réalisatrice s'y refuse. "Ce que je ne réalisais pas, à l’époque, dans ma naïveté, c’est que les producteurs avaient déjà décidé de se débarrasser de moi. Parce que DiCaprio voulait un réalisateur de renom derrière la caméra. Il avait une petite liste avec les noms de Stanley Kubrick et de Martin Scorsese écrits dessus." Elle est alors remplacée par Oliver Stone, qui avait réalisé Tueurs nés quelques années plus tôt avec Juliette Lewis et Woody Harrelson, et apprend dans la foulée qu’on raconte que c’est elle qui a pris la décision de lâcher le fauteuil de réalisatrice. "Les producteurs ont dit que j’avais quitté le projet parce que je ne voulais pas réaliser un film à gros budget. Et j’ai trouvé ça tellement insultant car ça laissait entendre que gérer autant d’argent me faisait peur. J’ai donc bien insisté sur le fait que non, je n’ai pas démissionné, mais j’ai été virée."
The Dark Knight : Quand Nolan hésitait entre Christian Bale et Cillian Murphy pour BatmanÀ ce stade, Oliver Stone est donc aux commandes de l’adaptation de l’oeuvre de Bret Easton Ellis et Leonardo DiCaprio est sur le point de se glisser dans la peau du golden boy psychopathe. Pourtant, tout dérape. Le scénario peine à être réécrit. Stone penche vers une adaptation moins subversive, dans la veine de Dr Jekyll et M. Hyde, où Bateman ne serait plus juste un tueur en série foncièrement mauvais, mais aurait une part de bonté cachée à l’intérieur de lui. Finalement, DiCaprio lâche le projet après avoir été contacté par Danny Boyle pour tenir le rôle-titre de son prochain immense carton, La Plage. Son départ est suivit par celui d’Oliver Stone. "Quand tout est tombé à l’eau et qu’ils n’avaient plus personne pour le premier rôle, ils se sont dits ‘Oh, ce serait plus simple de réengager Mary’", se souvient la réalisatrice.
Tout n’est pourtant pas gagné. Si la production remet le film entre les mains de Mary Harron, les producteurs refusent toujours d’engager Christian Bale, pas assez connu à leur goût. "Ils voulaient absolument une grande star, se souvient-elle. Je me suis donc adressée à cinq ou six acteurs qui, j’en étais certaine, diraient non". Harron propose d’abord le rôle à Matt Damon puis à son acolyte Ben Affleck. Tous deux refusent presque immédiatement. Ewan McGregor refuse aussi. "Je parlais avec Christian pendant tout ça, il était énervé que je propose le rôle à ces autres acteurs. Je lui disais ‘Non ! Ils vont dire non, il faut que tu sois patient’. J’aurais été dans la merde si ils avaient dit oui." Mary Harron raconte que Christian Bale voulait tellement le rôle qu’il a appelé McGregor pour lui demander de ne pas accepter la proposition. Enfin, les producteurs se tournent vers Vince Vaughn et Edward Norton. "Ed Norton était le seul qui m’inquiétait, déclare-t-elle. J’avais déjà pensé à lui et les producteurs avaient dit qu’ils financeraient le film immédiatement si il acceptait le rôle." Mais il refuse lui aussi.
Finalement, le rôle revient à Christian Bale, qui sera payé 50 000 dollars par Lionsgate, chargé de distribuer le long métrage. "À ce stade, nous avions déjà casté Willem Dafoe, Reese Witherspoon, Jared Leto et Chloë Sevigny", se souvient la réalisatrice. Preuve qu’elle a eu raison de faire confiance en ses instincts, le film, malgré un accueil plutôt mitigé par la critique à sa sortie, rapportera 34,3 millions de dollars au box-office mondial pour un budget de 7 millions.
Pourquoi Mary Harron, la réalisatrice d’American Psycho, regrette la fin du film
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