Il y a douze ans, le film de David Cronenberg avait fait beaucoup de bruit, à Cannes. Flashback.
Le 25 mai 2012, la sortie de Cosmopolis, de David Cronenberg, avait fait couler beaucoup d'encre. Sorti en pleine "hype" Twilight (l'ultime opus n'est arrivé au cinéma qu'en novembre de la même année), ce projet marquait l'occasion pour Robert Pattinson de prouver qu'il n'avait pas peur des oeuvres "choc" et ambitieuses. Il l'a de nouveau démontré plus tard en tournant pour David Michôd (The Rover), James Gray (The Lost City of Z) ou Robert Eggers (The Lighthouse), utilisant sa popularité pour miser sur des films d'auteurs ambitieux.
Au moment où France 4 rediffuse Cosmopolis dans le cadre de son cycle cannois, nous repartageons l'entretien de sa star, qui avait à l'époque posé en couverture de Première. Vous pouvez lire aussi notre critique du nouveau film du cinéaste canadien, Les Linceuls, qu'il vient de présenter en compétition.
Vous devez maintenant être au courant : le numéro spécial Cannes de Première s'est offert Robert Pattinson en couverture pour une interview et une séance photo événements. Transfiguré par David Cronenberg dans Cosmopolis (en compétition à Cannes et en salles vendredi), le héros de Twilight y bouscule (atomise ?) son image pour livrer une performance stupéfiante qui va tout changer. Vous avez dévoré son entretien épique dans le magazine ?Découvrez ici des propos exclusifs et inédits de notre rencontre avec la star.
Première : Est-ce qu’une partie de toi jubile à l’idée de surprendre les fans de Twilight qui vont te voir dans Cosmopolis ?
Robert Pattinson : Quand mon casting dans Cosmopolis a été annoncé, j’en ai vu plein se procurer le livre de Don De Lillo. Et ça ne les choque pas du tout que je joue dans un film comme celui-ci. Au contraire : je sens qu’ils ont envie de nous voir réussir, qu’on ait du succès en dehors de la saga. Ils veulent qu’on soit aimés et respectés. Ce ne sont pas des fans comme les autres. Ils ne sont pas forcément cinéphiles, mais je sens chez eux un désir de le devenir, ils s’intéressent à ce qu’on fait, même s’il s’agit d’un film inhabituel comme Cosmopolis. Les acteurs qui se retrouvent dans des succès populaires ou des franchises ont souvent l’impression qu’ils doivent ensuite faire à tout prix des choses pour plaire à « ce » public. Mais je pense qu’ils sous estiment les spectateurs. Je sais que les fans de Twilight ont envie de s’adapter. Ce n’est pas parce que tu as joué dans Transformers que tu dois te limiter à ça toute ta vie.
La promo de Cosmopolis promet d’être… intéressante. En espérant que les interviews ne se concentrent pas uniquement sur une scène.
Je ne vois même pas à quelle scène ils pourraient réduire le film…
Moi je sais…
Celle du check-up médical, tu crois ? Ceci dit, c’est plutôt de la bonne promo pour le film : « Alors comme ça, vous vous faîtes examiner la prostate dans Cosmopolis ? » (rires). Dès que j’ai une scène érotique dans un film, même s’il s’agit de la scène de sexe la plus commune que tu peux imaginer, je sais que je vais en entendre parler…
Dans Cosmopolis, il y en a quand même une impliquant un taser.
Celle de l’hôtel… On l’a tourné en une prise. Patricia (McKenzie), l’actrice, était très à l’aise avec son corps. Au moment de répéter la scène, elle a carrément enlevé tous ses vêtements. Je suis resté planté là, en caleçon, super gêné ! Après le tournage, je suis allé voir le cameraman pour lui demander : « C’est moi, ou ce qui vient de se passer était juste hyper intense ? J’avais presque l’impression d’être réellement en train de faire l’amour ! » La scène de sexe d’A History of Violence était déjà incroyable. Je ne sais pas pourquoi, mais David Cronenberg est particulièrement doué pour ça. C’est une spécialité étonnante pour un metteur scène, mais c’est la sienne.
David Lynch est aussi doué en la matière. C’est drôle, car en voyant Lynch et Cronenberg, la première chose qui vient à l’esprit n’est pas : « Je suis sûr que ces mecs font de super scènes de cul. »
C’est sans doute lié à cette fascination que David a pour le corps humain. Même dans un film comme Videodrome, il sexualise tout – cet orifice que James Woods a sur le ventre ressemble quand même beaucoup à un vagin. Et j’imagine très bien David y penser et se dire « Mmm, ça me plait bien. » On voit de moins en moins de cinéastes avoir cette assurance leur permettant d’afficher et de creuser leurs obsessions. C’est comme Tarantino avec les pieds de femmes. C’est son truc, il aime ça et va donc le mettre dans ses films. Je ne suis pas attiré par les pieds, mais quand il filme ceux de Bridget Fonda dans Jacky Brown, c’est sexy.
Dans Cosmopolis, tu reçois aussi la visite de Juliette Binoche dans la limousine. Elle utilise l’espace de façon très créative…
À l’origine, la scène de sexe avec Juliette devait se dérouler dans une chambre d’hôtel, mais on a trouvé ça plus intéressant de la situer dans la limousine. Avant de se poser une question essentielle : comment réussir à tourner une scène de sexe dans une limousine ? Eh bien, tu finis par te cogner un peu partout dans la voiture (rires). Le pire, c’est que j’ai rencontré Juliette Binoche, qui est une de mes actrices préférées, juste avant de tourner la séquence. Et cinq minutes plus tard, on était en train de se contorsionner dans la limousine… Très étrange. Mais oui, elle s’est vraiment approprié l’espace.
Et Mathieu Amalric, l’autre Français du film ?
Il était génial. Je regrette qu’il soit surtout filmé en plan large, car on ne profite pas bien de toutes ces expressions démentes qu’il avait. Est-ce qu’il travaille beaucoup en France ?
Pas assez. Mais il réalise, aussi.
Ça ne m’étonne pas. À ce propos, tu as vu la bande annonce de De rouille et d’os ? Si seulement Audiard pouvait se décider à tourner en anglais… C’est probablement le plus grand metteur en scène en activité, capable de faire un cinéma qui touche le grand public tout en étant indiscutablement de l’art. Les performances de ses films sont les meilleures, ses scènes d’action sont les meilleures… Peu de cinéastes s’approchent de son niveau, à part peut être James Gray, avec qui je rêve de travailler.
Qu’est-ce qui t’attire dans un projet, aujourd’hui ?
J’ai envie de faire un film qui donnera envie aux gens d’accrocher son affiche sur leur mur. Comme Trainspotting à l’époque : tout le monde avait ce poster dans sa chambre, moi le premier. C’était une façon d’affirmer son identité. Je rêve de participer à des projets qui inspireraient la même chose.
Interview Mathieu Carratier
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