Photocall festival de Cannes les Linceuls
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Aux côtés des acteurs principaux, Vincent Cassel et Diane Kruger, David Cronenberg évoque le deuil et la technologie.

Vingt-huit ans après sa première venue à Cannes qui lui a valu le Prix Spécial du jury avec Crash et après ses nombreuses nominations sur la Croisette, dont le clivant Les Crimes du Futur en 2022, le maître du body-horreur, celui qui scandalise et choque les audiences, revient avec un nouveau long-métrage plus personnel que jamais.

Succédant à Viggo Mortensen dans la peau de l’alter-égo grisonnant du cinéaste, Vincent Cassel (La Haine, Les Trois Mousquetaires) interprète Karsh, un homme d’affaire dont le décès récent de sa femme, Becca, jouée par Diane Kruger (Troie, Inglorious Basterds) – Prix d’Interprétation féminine en 2017 – l’amène à concevoir une technologie morbide et révolutionnaire, celle d’un linceul écran permettant de voir le corps enterré de l’être aimé après sa mort.

En compétition de cette 77ème édition du Festival de Cannes, Les Linceuls (The Shrouds), a été projeté hier soir après une longue montée des marches menée par Diane Kruger brillant de mille feux et David Cronenberg, ses lunettes caractéristiques au nez. Quand les lumières de la salle se sont rallumées, le cinéaste a exprimé sa joie de présenter ce film au public d’une faible voix tandis qu’une standing ovation de politesse acclamait l’équipe du film. Bien loin des treize minutes accordées à The Substance de Caroline Fargeat. L’élève a dépassé le maître, Les Linceuls n’a pas fait mouche.

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La technologie au service du deuil personnel

Dans une conférence de presse où (comble du ridicule) la technologie a fait défaut, obligeant Diane Kruger à servir d’interprète au cinéaste, et où l’ambiance légère et les pointes d’humour de Cronenberg détonnaient avec la douleur évoquée dans le film, le réalisateur a commencé par s’aventurer vers le terrain glissant qu’est l’intelligence artificielle.

"Imaginez qu’un scénariste puisse donner suffisamment de détails sur un film et que celui-ci puisse être ensuite créé comme ça, d’un coup. Tout le concept des acteurs et de la production disparaîtrait. C’est la promesse et la menace de l’intelligence artificielle. Est-ce qu’on l’apprécie ? Est-ce qu’on la craint ? Les deux. C’est comme la fusion nucléaire, c’est féroce et terrifiant, mais aussi incroyablement utile. Alors que faisons-nous ? Je ne sais pas. Je n’ai pas la réponse."

Des propos risqués tenus au temple du septième art qui a certainement fait tilter les acteurs autour de la table.

A l’origine, Les Linceuls devait être une série commandée par Netflix. Mais après avoir réalisé le premier épisode et être en train de préparer le second, la plateforme de streaming américaine a abandonné le projet. Alors comment passer d’un format à un autre ? : "J’ai simplement réuni deux épisodes. Et je remercie Netflix !", dit-il après avoir tout de même rappelé sa déception initiale : "Je croyais qu'avec cette plateforme, ce serait différent des gros studios hollywoodiens, mais non, Netflix est un studio comme un autre."

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Travaillant sur les corps malmenés et mutilés, le réalisateur de La Mouche s’attaque ici aux corps en décomposition. Pourtant, Les Linceuls est loin d’être aussi choquant que ces précédentes propositions. A la rigueur, plus émotionnel, voire carrément plus personnel :

"Nous avons tous fait l’expérience de la perte, que ce soit un animal de compagnie ou un ami. Cette idée me vient de la vie elle-même. J’y parle de la mort de ma femme. J’ai arrêté de faire des films pendant quelques années après ce drame, puis j’ai ressenti le besoin de raconter cette histoire."

En 2017, David Cronenberg perd Carolyn Zeifman, son épouse et sa collaboratrice avec qui il était marié depuis plus de quarante ans, des suites d’un cancer du sein. Tout comme le personnage principal qui pour ne pas rompre le lien met donc en place une technologie permettant de toujours voir sa femme - le linceul. Rien de bien innovant selon le réalisateur :

"Cela s’est fait depuis le début de la civilisation humaine. Tout dépend de ce qu’on entend par technologie. Les pyramides d’Égypte par exemple, c’est exactement ça. Utiliser la technologie de l’époque comme un mémorial, un moyen de se souvenir et dans ce sens croire en la vie dans l’au-delà (…) Ce n’est pas nouveau, cela existe depuis des milliers d’années, on utilise les  technologies les plus récentes pour faire face à ça."

Les Linceuls
Pyramide

Cassel-Cronenberg, des faux-semblants

Présent au travers d’un cadavre – un caméo plastique dont le cinéaste est fier de parler -"On peut la voir sur internet, cette image, ça s’appelle La Mort de David Cronenberg !" - le Canadien de 81 ans se dessine aussi dans les traits d’un autre vivant.

Il n’y a que l’âge qui le sépare de Vincent Cassel. Physiquement, ils sont les mêmes. Une déformation due à leurs nombreuses collaborations Les Promesses de l’Ombre, A Dangerous Method) ? Comme il le faisait déjà dans Les Crimes du Futur, Cronenberg évoque un alter-ego fictif à son image et qui, ici, se retrouve chez l’acteur français. Une ressemblance qu’eux-mêmes admettent indéniable. Amusé, le premier commence :

"Je dois admettre qu’avec Cassel on se ressemble beaucoup. Là, il s’est rasé et s’est laissé pousser la barbe pour qu’on soit différenciés. (…) Mais dans le film, on est presque des frères jumeaux."

Découvrant le film pour la première fois, Vincent Cassel a lui aussi trouvé la ressemblance flagrante a certains plans :

"Je vois bien qu’on se ressemble avec David dans le film. Même si on n’a pas fait de travail spécial dans ce sens, c’est troublant. Je note aussi que mon personnage parle beaucoup, je n’ai jamais autant parlé dans un film."

Les théories du complot ? Kesako ?

Alors que le personnage interprété par Cassel, Karsh, constate que neuf sépultures, dont celle de sa femme, ont été profanées, il enquête pour retrouver les responsables et sombre petit à petit dans la paranoïa, trouvant des explications irrationnelles – sauf pour lui. Une variation dans le récit que Cronenberg a tenu à mettre au clair sans y être pourtant invité par les questions des journalistes. Pour lui, les théories du complot sont intrinsèques à l’espèce humaine et servent à trouver un but à notre vie. Elles permettent d’expliquer ce qu’on ne peut comprendre, pour une espèce qui cherche à tout comprendre. Pourquoi Becca est-elle décédée ? Pourquoi s’en prendre à sa tombe ?

Pour ceux qui ont pu émettre des réserves sur cette partie du synopsis, Cronenberg avait un message à faire passer :

"J’ai lu quelques critiques et certaines écrites par des journalistes stupides qui disent que la paranoïa et le complot n’ont rien à voir avec la notion d’amour et de deuil. Ces personnes n’ont rien compris au film."

Des mots durs face à un public qui se sent visé. Le cinéaste les rassure, ils n’en font pas partie. Ouf ! On peut souffler et continuer.

Les Linceuls
Pyamide

"Je n’avais pas l’air mal, morte"

"C’était horrifiant de travailler avec elle !", s’exclame le réalisateur. Dans Les Linceuls, Diane Kruger interprète plusieurs rôles : la femme décédée et sa jumelle. Elle reprend le rôle laissé par Léa Seydoux et collabore pour la première fois avec le père de Videodrome. Une expérience déstabilisante mais unique lui permettant de réfléchir sur sa propre mortalité :

"Travailler avec David, c’est choquant ! (…) Si on m’avait proposé le film il y a dix ans, j’aurais paniqué, car c’est un film peu habituel. Je n'avais jamais été autant nue à l'écran... Mais je me suis régalée pendant le tournage parce que je savais qu’il me faisait confiance. Je me suis sentie émue et aimée et on peut tout faire quand on se sait aimé."

Quand on lui demande quel effet cela fait de voir son propre cadavre à l’écran ? L’actrice rit et répond : "J’avais l’air pas mal, morte, ça m’a fascinée". Suivi de Cronenberg "Tu es pas mal dans la vie aussi, tu sais ?"

Au fond, c’était elle, la véritable vedette de cette conférence.

Avec également Guy Pearce (Memento), et Sandrine Holt, Les Linceuls sortira en France le 25 septembre 2024.