Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
BLACK PANTHER : WAKANDA FOREVER ★★★☆☆
De Ryan Coogler
L’essentiel
Le Marvel Cinematic Universe retrouve enfin de la chair avec cette suite de Black Panther qui sauve son année
Après les déjà oubliés Doctor Strange in the Multiverse of Madness et Thor : Love and Thunder et l’éparpillement des super-séries sur Disney+, tout aussi longuettes et chronophages, ce Wakanda Forever fait figure de Messie, arrivant juste à temps pour sauver l’année Marvel. Et ce n’est pas seulement le couronnement d’un borgne au royaume des aveugles : pendant une heure, le film est vraiment formidable. L’ouverture endeuillée déclenche une intrigue géopolitique à l’intensité mesurée comme celle d’un thriller 90’s Une gravité qui ne s’explique pas seulement par la disparition de Chadwick Boseman, qui pèse évidemment sur tout le film, mais bien par la sincère implication du réalisateur Ryan Coogler qui est désormais le seul chez Marvel à investir autant un film -tout comme son casting, essentiellement des femmes, toutes réellement impliquées dans ce Wakanda devenu un refuge de fiction, une fragile tour d’ivoire qui se révèle proof à rien du tout. Et surtout pas au poids des contraintes Marvel, qui finissent par rattraper le film dans un dernier tiers en forme de bataille rangée numérique sans véritable enjeu, à laquelle personne ne fait semblant de croire. Cela n’entame pas la solidité réelle du film en tant que divertissement d’aventure et que réel bon film de superhéros. On en sortirait presque avec une confiance renouvelée dans l’avenir du MCU, capable de laisser s’y investir des auteurs de films.
Sylvestre Picard
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
PACIFICTION : TOURMENT SUR LES ÎLES ★★★★☆
De Albert Serra
Les films de l’espagnol Albert Serra s’inscrivent dans des moments d’entre-deux : qu’il s’agisse de crépuscule ou d’aurore, le temps d’apparence suspendu est compté. D’où cette sensation de flottement permanent, d’incertitude. Voici ici venu le temps revenu des colonies. Ou à peu près. Magimel, costard blanc de dandy exilé, verres fumés de star inquiète, est un Haut-Commissaire de la République basé à Tahiti. Héros d’un roman de Conrad ou Herman Melville échoué dans le présent. Il flatte l’autochtone d’un paternalisme anachronique. L’incertitude vient du dehors. Il se dit que des essais nucléaires pourraient reprendre dans la région. Que sait au juste notre Haut-Commissaire ? Sûrement pas grand-chose, mais, son égo même entamé, l’oblige à entretenir un certain mystère. Albert Serra observe cet homme et ce monde, en suspension. C’est de la poésie pure, du romantisme noir et baroudeur, où le grotesque qui affleure, désamorce toute pesanteur. Du cinéma moderne qui déjoue les figures imposées des scénarios illustrés. Immense comme son acteur principal.
Thomas Baurez
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
ARMAGEDDON TIME ★★★☆☆
De James Gray
James Gray est de retour à la maison. A New York, son fief, le décor de ses premiers films et s’inscrivant dans la tendance des films semi- autobiographiques à la Roma, il racontae quelques mois douloureux, en 1980 (Gray est né en 69) de la vie de Paul Graff gamin juif de 11 ans qui se lie d’amitié, dans un collège public du Queens, avec un jeune Noir nommé Jimmy. Le film examine le sentiment de trahison qui va tourmenter l’enfant juif quand ses parents décident de l’inscrire dans une école privée plus huppée, fréquentée par des wasps très friqués et qu’il doit alors laisser son copain afro-américain sur le bord de la route.
Gray donne sans doute ici une clé biographique essentielle, qui permet de mieux comprendre rétrospectivement pourquoi les thèmes du poids de l’héritage familial, de la trahison, ont hanté tous ses films. Cette histoire très personnelle est ici articulée à l’histoire collective américaine : la lutte des classes teinté d’inégalités raciales qui va séparer Paul et Jimmy se joue sur fond de victoire présidentielle de Ronald Reagan, moment de triomphe de l’idéologie néolibérale. Gray entrelace tout au long du film une succession de réminiscences proustiennes et de notations sociologiques qui lui permettent de raconter très finement la tectonique des plaques d’une société en pleine métamorphose. On pense moins à Coppola (éternelle obsession de Gray) qu’au Sidney Lumet des années 80, sensible, nostalgique, doux-amer – sentiments renforcés par la belle photo automnale ouvragée par Darius Khondji, et les apparitions bouleversantes d’Anthony Hopkins en grand-père descendant de rescapés des pogroms d’Ukraine. Et sous la surface du beau drame familial chuchoté, James Gray dit des choses très fortes, fracassantes même, sur ce grand mensonge collectif qu’on appelait le rêve américain.
Frédéric Foubert
Lire la critique en intégralitéCOULEURS DE L’INCENDIE ★★★☆☆
De Clovis Cornillac
Entamée avec l’inventif Un peu, beaucoup, aveuglément, la carrière de Clovis Cornillac réalisateur a eu tendance à ronronner depuis. Mais s’attaquer aux Couleurs de l’incendie lui redonne un coup de fouet en lui permettant de renouer avec ce qui constitue son ADN, son aisance sur le terrain d’un cinéma populaire au sens le plus noble du terme. Et en totale adéquation avec cette œuvre de Pierre Lemaître, riche en trahisons diverses et variées, où Madeleine Péricourt hérite de l’empire financier créé par son père, avant que la tentative de suicide de son fils ne change le cours de son destin et la conduise, victime de l’appât du gain de son entourage, à la ruine. Couleurs de l’incendie raconte sa chute brutale et sa longue reconstruction, suivant le fameux adage que la vengeance est un plat qui mange froid. Les rebondissements y sont parfaitement orchestrés, la mise en scène soignée et discrète malgré une entame maladroite et pesante, l’interprétation impeccable (dominée par Léa Drucker, impériale). Mission accomplie.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéLES REPENTIS ★★★☆☆
De Iciar Bollain
Au début des années 2010, des terroristes de l’ETA avaient demandé de rencontrer les familles de victimes des attentats meurtriers qu’ils avaient pu commettre. Iciar Bollain porte ici à l’écran une de ces histoires de repentir, celle de Maixabel Lasa, l’une des onze personnes qui avaient accepté le principe de cette discussion et s’était donc confrontée à l’assassin de son mari, l’ex- préfet et homme politique Juan Maria Lauregui. Enorme succès en Espagne, Les Repentis trouve le ton juste pour traiter de cette délicate question du pardon et de la possibilité d’une réconciliation d’une société où le sang a coulé et coule encore. Une mise en scène discrète, un récit qui prend le temps de creuser les interrogations puis les incompréhensions que ce geste de pardon et son acceptation fait naître tant chez les proches de Maixabel Lasa que chez les anciens camarades du terroriste. Un plaidoyer humaniste assumé qui ne verse pour autant jamais dans des raccourcis simplistes.
Thierry Cheze
RIPOSTE FEMINISTE ★★★☆☆
De Marie Perennès et Simon Depardon
On les appelle les colleuses. Ces collectifs féministes qui affichent sur les murs, messages de soutien aux victimes et slogans contre les féminicides. Pour ce documentaire, Marie Perennès et Simon Depardon sont partis à leur rencontre dans 10 villes, montrant les coulisses de leurs actions, les tensions que cela peut susciter et captant leurs paroles, leurs échanges, sans intervenir, sans la moindre voix- off. Le temps du long du documentaire permet de ne pas réduire ou caricatuter leur propos. On peut tiquer parfois sur ce qu’elles disent mais le parti pris des cinéastes d’épouser les revendications de ces jeunes femmes en guerre contre le harcèlement de rue, les violences sexistes et le machisme sans distribuer bons et mauvais points se rèvèle particulièrement pertinent. Il laisse le spectateur se faire son opinion... mais plus informé en sortant de la salle qu’en y entrant.
Thierry Cheze
MISSION REGENERATION ★★★☆☆
De Josh Tickell et Rebecca Tickell
Et si les sols étaient le remède (miracle) pour inverser la courbe du réchauffement climatique ? C’est de ce constat que naît ce docu et l’espoir, étayé par des liasses de rapports et de chiffres, reprend. Porté par la voix Woody Harrelson, le crédo est simple : il est urgent de stopper l’épandage de pesticides et d’OGM pour régénérer les sols. Qu’ils absorbent à nouveau le CO2 et que la pluie reprenne ses droits. Crucial.
Estelle Aubin
LA MESURE DES CHOSES ★★★☆☆
De Patric Jean
Ce documentaire nous entraîne dans un voyage poétique, presque philosophique, du labyrinthe de la démesure : celle du désastre écologique. Utiliser notre raison pour ne pas brûler nos ailes, le message semble rêveur… mais il nous traverse ici avec une justesse et une brutalité efficaces. De Dédale à Icare, Patric Jean fait usage du mythe pour jeter une bouteille à la mer remplie de désillusions et de réalisme, mais dépourvue de fatalisme, dans un geste cinématographique fort.
Lou Hupel
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
TROIS NUITS PAR SEMAINE ★★☆☆☆
De Florent Gouelou
Ce qui frappe dans ce premier long, c’est le regard précis et enveloppant que Florant Gouëlou pose sur le monde des drag queens, au fil d’un récit où un trentenaire hétéro en couple tombe amoureux de l’une d’elles (Romain Eck, dément). Il signe une déclaration d’amour à la culture queer en faisant un sort aux clichés. Dommage que son scénario ne parvienne pas plus à dynamiter les codes de la comédie romantique qui lui servent de carcan.
Thierry Cheze
CHARLOTTE ★★☆☆☆
De Tahir Rana et Eric Warin
Huit ans après le livre de David Foenkinos et un opéra mis en scène par Luc Bondy, ce film raconte le destin de Charlotte Salomon, jeune peintre juive allemande, victime de la barbarie nazie. Une histoire aussi tragique que passionnante mais souffrant d’une animation trop sage qui aurait gagné à jouer davantage avec les dessins de celle qui avait documenté ce qu’elle avait traversé dans une œuvre majeure Leben? oder Theater? publiée bien après sa mort.
Thierry Cheze
SEULE AUTOUR DU MONDE ★★☆☆☆
De Edouard Mauriat
Ce documentaire raconte de l’intérieur la course du Vendée Globe singulier vécue en 2020 par la navigatrice Samantha Davies, contrainte à l’abandon suite à une avarie majeure sur son bateau mais qui a choisi de repartir et d’aller au- bout de l’exploit, même hors compétition. Le film restitue sans filtre les moments de ravissement face à la beauté de la nature comme ceux d’abattement voire de dépression, causés par la sauvagerie implacable des éléments qui se déchaînent au milieu des océans. On se demande cependant si le cinéma est au fond le meilleur medium pour narrer cette aventure (in)humaine qui, par sa forme, semble plus destiné au petit écran et à un format de 52 minutes (une demi- heure de moins que son long métrage) plus resserré qui aurait évité ici et là quelques redites.
Thierry Cheze
DEALER ★★☆☆☆
De Jeroen Perceval
Un dealer de 14 ans tente d’échapper à son destin grâce à une rencontre impromptue avec un acteur célèbre en qui il voit un père de substitution. Une intrigue cousue de fil blanc, des personnages qui peinent à se libérer des archétypes où les premières scènes les enferment, Dealer ne parvient jamais à être aussi percutant qu’il ambitionne. Reste l’atmosphère intense créée à l’écran par le chef op David Williamson.
Thierry Cheze
ESTACION CATORCE ★★☆☆☆
De Diana Cardozo
Il était une fois dans une province reculée du Mexique, quelques maisons de fortune, un sol sableux, des familles barricadées et soudain, en plein après-midi, le pillage d’un logis. Estacion catorce démarre sur ces images mais ne prend jamais l’ampleur qu’il vise. Les multiples sujets abordés - la paternité, l’enfance, devenir adulte, sortir de ses illusions… - ne sont qu’effleurés. Et les plaines arides finissent par se refermer sur elles-mêmes.
Estelle Aubin
Et aussi
Baladons- nous, de Olivier Goujon
Handicap de Andy Anison
Heureux les félés de Robert Coudray
Les Lendemains de veille de Loïc Paillard
Mon vieux de Marjory Déjardin
Paraiso, de Sérgio Tréfaut
Pétaouchnok, de Edouard Deluc
Sans peur, de Emmanuel Saez
Se nommer juif aujourd’hui encore, de Martine Bouquin
Un hérisson dans la neige, programme de courts métrages
Les reprises
Ordet, de Carl Theodor Dreyer
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