À l’Aube de l’Amérique
Netflix

Peter Berg explore un Far West impitoyable où la survie se paie au prix fort, dans cette fresque brutale et sublime signée Mark L. Smith.

La conquête de l'Ouest racontée comme un enfer de glace et de sang. Les cowboys glamour de l'Âge d'Or ont vécu et Hollywood dessine désormais le Far West sous le trait d'une peinture naturaliste sans filtre. Avec À l’Aube de l’Amérique, le réalisateur Peter Berg (Du sang et des larmes) nous plonge un peu plus dans les tréfonds de ce Far West cruel et primal. Et dès les premières images, impossible de ne pas penser à The Revenant d’Alejandro G. Iñárritu. Rien d'étonnant puisque Mark L. Smith, le scénariste du film nommé aux Oscars, est aussi le créateur de la mini-série Netflix. Et cela se ressent dans chaque scène de cette fresque âpre (en 6 épisodes), qui raconte les grands espaces glacés de l’Utah, théâtre d’une lutte sans merci pour la survie. Dans ce territoire revendiqué par la communauté des Mormons en pleine expansion, on trouve aussi des tribus indiennes délocalisées sur le pied de guerre, des colons à la gâchette facile et de simples pionniers en quête d'une vie meilleure, à l'ouest du pays naissant. De passage dans ce tableau mortel, une mère et son jeune fils vont tenter de se frayer un chemin sans y laisser leurs peaux.

À l’Aube de l’Amérique
Netflix

Ici, la conquête de l’Ouest est dépouillée de tout romantisme. Peter Berg et Mark L. Smith partagent une vision terrifiante de cette époque : celle d’une humanité à peine civilisée, où la violence règne sans partage. Meurtres, viols, trahisons et exécutions sommaires jalonnent un récit qui ne fait aucun compromis. Même les paysages, sublimes et étouffants à la fois, semblent prendre part à cette tragédie.

Une photographie à couper le souffle

La série brille particulièrement par sa photographie somptueuse, qui convoque la lumière grisâtre et oppressante d’un ciel perpétuellement chargé. Chaque plan semble baigner dans un clair-obscur menaçant, un contraste saisissant entre la beauté sauvage de la nature et la noirceur des âmes qui la traversent. Un choix esthétique qui appuie une narration résolument tragique, où la mort semble toujours tapie dans l’ombre. Mark L. Smith revisite ici ses obsessions : l’homme face à une nature indomptable, et surtout face à lui-même. Dans cet Ouest sauvage, il n’y a ni héros ni salut. Taylor Kitsch incarne un gunslinger sans émotion, figure taciturne à la Clint Eastwood face à Betty Gilpin (ancienne star de GLOW), incarnation fragile d’une force féminine en plein cœur d’un monde patriarcal et destructeur, personnifié par les Mormons du coin. La série n'hésite pas à dresser un portrait glaçant de Brigham Young (figure historique du mouvement), tandis qu'elle retrace un épisode méconnu et spectaculaire de la conquête de l'ouest : la guerre de l'Utah (1857-1858) durant laquelle les colons mormons ont tenté de se soustraire aux lois du gouvernement fédéral des États-Unis encore balbutiants.

À l'aube de l'Amérique
Netflix

À l’Aube de l’Amérique raconte l'époque de manière viscérale, et s’inscrit dans une tradition de westerns modernes qui refusent la mythologie d’un Ouest idéalisé, à la manière de ce que The Revenant a si bien su faire. Mais comme The Revenant, le récit souffre aussi de grosses longueurs et tend à piétiner dans la poudreuse, alors que Taylor Kitsch et Betty Gilpin galèrent encore et encore dans les montagnes rocheuses. La série finit par tourner en rond et, comme après The Revenant, on termine l'aventure lessivée, mais avec quelques séquences résolument marquantes en tête.

À l’Aube de l’Amérique, 6 épisodes, à voir sur Netflix le 9 janvier 2025.