Première
par Thomas Baurez
Solange a 14 ans, habite Nantes et a des parents qui ressemblent à Philippe Katerine et Léa Drucker. Bref, la vie est belle. Sauf que derrière des portes à peine closes, la jeune fille sensible (la révélation Jade Springer) se rend bien compte que ce cocon familial menace d’imploser. Le spectre du divorce plane. Pour l’heure on fait un peu comme si, et à mesure que les choses prennent formes et deviennent pesantes, il faut bien finir par admettre cet impensable qui est pourtant dans toutes les têtes. Ce nouveau long-métrage d’Axelle Ropert (La famille Wolberg, Tirez la langue mademoiselle), ne prend pas la forme d’un drame adolescent classique avec son lot de situations devenues clichés (l’ado rebelle qui refoule tout dans une énergie dévastatrice). Non, la cinéaste, en truffaldienne assumée, croit dur comme fer à l’intelligence et à la complexité de ces « enfants », obligés d’accepter le poids « d’être au monde », de réparer ce qui invariablement se brise. Devenir adulte, c’est devenir maître d’un royaume qui n’est pas le sien, composer avec un chaos permanent. Petite Solange raconte tout ça, avec une grâce folle, sans tapage. Il n’empêche que quand Solange souffre, nous aussi voyons les rives du chagrin nous submerger. Il faut beaucoup de pudeur pour parvenir à restituer la puissance, par nature impénétrable, des sentiments. L’art doit pourtant s’ingénier à nous l’offrir. Elle est ici toute entière contenue dans un regard qui, en bout de course, nous susurre quelque chose avant de disparaître.