Première
par Lucie Chiquer
Céder un morceau de soi à l’autre quand on le quitte, et, parallèlement, se construire de ces rencontres qui laissent une marque indélébile. C’est en ce troc qui régit les relations humaines que réside toute la trame narrative de Past Lives, premier long métrage de la dramaturge Celine Song. Miroir d’un moment intime de sa vie, le récit gravite autour de la relation inachevée de Nora et Hae Sung. Stoppée à 12 ans par le rêve américain lorsque la fillette émigre de Corée du Sud, leur idylle reprend 8 ans plus tard, mais c’est à 30 ans qu’ils finissent par se retrouver, alors que Nora est mariée à Arthur. D’abord, la pureté. Past Lives n'a pas la prétention de nous expliquer à quoi doit ressembler l'amour, mais entame une réflexion plus profonde : doit-il nécessairement être vécu pour avoir de la valeur ? Ensuite, l’affliction. La réalisatrice submerge son film de fatalité, confronte ses personnages aux déchirants « et si ? ». Dépouillé de tout artifice, ce drame sublimé d’une mise en scène intimiste fascine par son utilisation du vide, celui des mots qui n’ont pas été prononcés, des sentiments qui n’ont pas été éprouvés. Le regret est partout, la mélancolie omniprésente. Mais toute la finesse du scénario demeure dans l’écriture de ses personnages, superbement incarnés par le trio Greta Lee-John Magaro-Teo Yoo, que Song s’évite à enfermer dans un futile triangle amoureux. À l’arrivée, chacun y projettera sa propre histoire. Celle des destins qui se frôlent mais ne se croisent jamais.