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Après quelques films excessifs et furibards (Macbeth, Le Gang Kelly), Justin Kurzel revient avec Nitram au style plus glacé et retenu de son premier long, Les Crimes de Snowtown. Il faut dire que le sujet est on ne peut plus sérieux : il s’intéresse ici à une tuerie survenue à Port Arthur, en Tasmanie, en 1996 – un nommé Martin Bryant y avait tué 35 personnes, et blessé 23 autres, dans un déferlement de sauvagerie qui avait traumatisé l’Australie. Le cinéaste prend ici bien garde de ne jamais prêter le flanc à la moindre accusation de fascination pour la violence. Dans un style distancié, presque « éteint », évoquant la langueur triste de l’Elephant de Gus Van Sant, il examine les indices qui permettraient de comprendre le basculement du jeune homme dans la folie meurtrière (maladie mentale, exclusion sociale, parents défaillants…), en une collection d’instants suspendus où l’on sent peu à peu monter la colère, jusqu’au déchainement final. A quelle distance filmer « Nitram » (le surnom de Martin, qui sonne comme nitroglycérine) pour le comprendre sans l’excuser ? Pour qu’il nous touche sans nous fasciner ? Justin Kurzel soupèse ces interrogations à chaque instant, à chaque plan, comme on soupèse une grenade dégoupillée qui menace de nous exploser au visage. Mais cette vision sans doute excessivement clinique, trop précautionneuse, ne débouche du coup sur aucun vertige, malgré la présence toujours extraterrestre de Caleb Landry Jones. Son regard translucide de grand enfant triste semble poser une question condamnée à rester sans réponse.