Première
par Christophe Narbonne
En finir avec l’ambiguïté : le nouveau film d’Anne Fontaine n’est pas l’adaptation littérale du best-seller d’Eddy Louis mais une source d’inspiration parmi d’autres –la réalisatrice et son coscénariste, Pierre Trividic ont aussi puisé dans l’œuvre autobiographique d’Annie Ernaux et dans Retour à Reims de Didier Eribon. Pour les profanes, rappelons que le bouquin de Louis évoquait le parcours douloureux d’un jeune provincial issu d’un milieu pauvre que ses “manières efféminées” avaient transformé en pestiféré aux yeux des autres, en premier lieu à ceux de sa famille. Il y a de cela dans Marvin ou la belle éducation puisque le héros, Marvin Bijou (patronyme aussi clinquant qu’Eddy Bellegueule…), est harcelé à l’école par des homophobes et qu’il ne peut pas s’appuyer sur ses parents, des gens sans éducation, pour se protéger. Les ressemblances entre les deux œuvres sont évidentes : la description sordide d’un milieu défavorisé, acculturé et brutal ; la bienveillance salvatrice des enseignants ; la rémission par l’art (un livre vs une carrière théâtrale)… Là où le regard d’Anne Fontaine diffère, c’est dans le traitement. Le bouquin était chronologique, le film adopte, lui, une structure éclatée qui mélange le passé lointain (l’enfance), le passé récent (la montée à Paris) et le présent (la préparation d’une pièce de théâtre, featuring Isabelle Huppert sous sa vraie identité).
Un personnage multiple
C’est dans cette mosaïque de sensations et de tonalités (l’ambiance à la Zola de l’enfance dans un coin de France déclassé ; la vie parisienne et ses petits plaisirs) que le film, au naturalisme un peu préfabriqué, trouve sa voie qui épouse les circonvolutions d’une âme blessée. Marvin n’est pas différent, c’est le regard que les autres posent sur lui qui le rendent ainsi. Tout se mêle dans sa tête, l’incompréhension, la culpabilité, le rejet, une envie forcenée d’avancer et de ne pas se laisser écraser par la fatalité. Impressionniste, le montage cherche la vérité du personnage à travers sa multiplicité. Finnegan Oldfield et, surtout, le petit Jules Porier servent magnifiquement les intentions d’Anne Fontaine.