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Comment assumer une chemise de soirée quand on est en semaine ? Y a-t-il un code d'honneur dans l'arnaque au vinyle de jazz ? Est-il possible de concilier une personnalité bienveillante avec un job de charognard pour tabloïd local ? Si l'on est une femme, et que l’on trouve moins de déplaisir à mater des vagins que des pénis sur un smartphone, est-on pour autant lesbienne ? Peut-on décemment espérer se faire pardonner par sa copine lorsque, dans un accès de rage, on a fini par balancer des photos d’elle nue sur Internet ? Voilà le genre de questions que se posent une poignée de personnages croqués dans la Grosse Pomme. Des inquiétudes qui peuvent sembler triviales, voire complètement insignifiantes, mais qui posent en filigrane des dilemmes moraux plus universels : il s’agit de trouver sa place dans le chaos urbain, de se faire accepter par l’autre sans se perdre en chemin. Une quête modeste qui advient sans coup de manche, avec apaisement, un peu comme si Ira Sachs avait décidé de reprendre le Short Cuts d’Altman. Dustin Guy Defa a le bon goût de ne pas trop saucissonner cette mosaïque de destins épars dans une trame narrative volontariste et collective. Si les histoires coexistent et se recoupent parfois, elles semblent conserver en elles leur respiration propre, leur part d’accidentel. Une vibe organique et spirituelle (belle BO gospel) qui doit aussi beaucoup à l’excellent casting – mention spéciale à Michael Cera, hilarant en plumitif amateur de heavy métal.