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Les critiques de Première

  1. Première

    L’adolescence est un âge étrange, ingrat. Période de tous les changements, on la traverse comme un champ de guerre. C’est particulièrement le cas de Fanny (Lilith Grasmug, la merveilleuse héroïne du récent Foudre), lycéenne mal dans sa peau envoyée par ses parents chez Lena, une correspondante allemande qui, elle aussi, ne veut pas vraiment d’elle. À ses côtés, elle découvre peu à peu une autre culture, détachée de tous les préjugés qui semblaient lui coller en France, une jeunesse en colère et politisée mais aussi le désir aussi, et la perte de contrôle. Car si on devine qu’elle cache une partie de son jeu et arrange la réalité à son avantage, la mise en scène de Claire Burger (C’est ça l’amour) aborde plutôt le mensonge comme un espace de réinvention dans lequel on plie le réel à des projections idéalisées de soi, du monde. Ce dernier se révèle finalement maladif, invasif au point de nuire à l’ensemble de ses relations sociales, contre son gré. Il n’en reste pas moins le moyen pour Fanny d’affronter ses peurs et explorer des fantasmes insoupçonnés : le corps de Lena, dans une scène de jacuzzi fétichiste et onirique, mais aussi l’imaginaire et l’imagerie de l’extrême gauche. Le penchant politique du film et de la construction des jeunes filles agit comme une loupe grossissante de la réalité, contribuant à une fascination sociétale démesurée pour les groupuscules d’extrême gauche, éloignée et fictive, à l’image de cette « sœur » qu’elles recherchent en manifestation. Une chimère au carré donc… qui achève de faire du mensonge la véritable « langue étrangère » de ce film.

    Nicolas Moreno