- Fluctuat
Et si dans le futur la connerie et le vulgarité dominaient le monde ? C'est sur ce concept délirant que Mike Judge fait d'Idiocracy une farce aussi géniale qu'inégale. Une vision du monde à la fois cauchemardesque et hilarante dont la seule faiblesse reste une certaine complaisance.
- Exprimez-vous sur le forum IdiocracyIdiocracy, ça ne vous dit rien ? Normal, distribué en douce après une sortie américaine discrète, la Fox s'est bien gardée de mettre en avant cette farce au concept aussi génial qu'inégal sur la durée. Pourquoi une telle discrétion ? Parce que Idiocracy est une petite bombe, pas vraiment atomique mais certainement comique, cynique et parfois délicieusement méchante (où la Fox est aussi égratignée). Une vision de l'Amérique aussi radicale que délirante qui frappe joyeusement là où ça fait mal. Pour resituer rapidement ses responsables, il faut d'abord rappeler que Mike Judge, aux manettes, vient de l'école du Saturday Night Live et Beavis and Butt-Head, et que pour le coup il s'est associé au scénario avec Ethan Coen. Ainsi l'humour potache, stupide, volontiers vulgaire mais aussi critique du premier, se combine à l'ironie et au sens de l'absurde du second, ce qui fatalement donne un cocktail explosif, mais pas sans faiblesses.Idiocracy c'est un peu le genre de film qu'on voudrait raconter du début à la fin. Trop de situations, d'idées à la minute qui donnent au film presque l'allure de sketchs mis bout à bout, ce qui le rapproche de la télé dont il hérite. Son principe ? Traiter de l'idiotie non d'un point de vue philosophique (on s'en doutait), mais comme une dégénérescence de la société américaine et du monde par extension (Hollywood c'est toujours le centre du monde). Décrivons : un jeune militaire (Luke Wilson), pris parce qu'il est absolument moyen en tout, participe à une expérience d'hibernation pour un an. Pas de chance, le projet capote, il se réveille 500 ans plus tard. Pendant ce temps, le niveau intellectuel de la société s'est effondré. La langue a dégénéré, chaque phrase ou la moindre enseigne commerciale doit être ponctuée d'un « fuck » ou d'un « ass » ; l'émission télé numéro un est une sorte de Jackass où un type se fait frapper systématiquement en dessous de la ceinture ; le président est un ex champion de fessée et un acteur porno ; le Gatorade est devenu la première ressource alimentaire et a remplacé l'eau, utilisée uniquement pour les toilettes ; et évidemment Luke Wilson est l'homme le plus intelligent du monde. On en passe, la liste est trop longue même si elle nous amuse.Ainsi Judge et Coen traitent de la connerie ou de la vulgarité qui dominent le monde comme un scénario catastrophe. La ville est un amoncellement d'ordures, les immeubles penchent, les routes sont coupées, mais des voitures continuent d'y circuler, quitte à venir s'écraser en tas, et évidemment l'agriculture est en crise car elle n'aime pas trop le Gatorade. Le film joue donc avec une certaine complaisance ludique de la bêtise comme les suites d'une conséquence quasi scientifique. Sa réussite tient surtout dans ses trouvailles, ses descriptions, ses visions d'un monde effroyable qui prendrait l'Amérique d'aujourd'hui dans ses plus bas instincts. Plus étrange et moins évident a priori, cette culture, dont Idiocracy s'amuse aussi à faire le pastiche et la satire, prend beaucoup sa source du côté du rap. Par la langue, les expressions, la gestuelle qui rappellent celles des clips. Alors, selon Judge et Coen le danger guetterait en partie du côté de la culture afro-américaine ?Evidemment non. Si le lien est parfois évident, il faut voir aussi que selon Judge et Coen, cette bêtise n'est non seulement pas le fait d'une culture en particulier, puisqu'elle domine et est acceptée par tous, mais également que le film y prend un certain plaisir complice qui du coup annule tout anathème. C'est son côté Beavis and Butt-Head. Idiocracy traite de l'idiotie par l'idiotie, c'est un comique tautologique, voire parfois un peu fasciste (il nous force à être plus intelligent que lui par la distance qu'il instaure). On adhère ou pas, il faut accepter que derrière la critique, le film cache aussi une certaine fascination de ce qu'il parodie. Autre référence, Idiocracy fait également penser à une peinture américaine, celle de Matt Groening, et surtout de son Futurama. L'humour est ainsi très typé, presque un genre à part entière dont il hérite et dans lequel il creuse son sillon. C'est certainement pas ce qu'on préfère mais il faut bien admettre que la connerie, c'est parfois très drôle aussi. Idiocracy
De Mike Judge
Avec Luke Wilson, Dax Shepard, Maya Rudolph
Sortie en salles le 25 avril 2007
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