Toutes les critiques de Flow, le chat qui n'avait plus peur de l'eau

Les critiques de Première

  1. Première
    par François Léger

    En 2019, Gints Zilbalodis apparaissait sur nos radars avec un premier long méditatif et poétique, Ailleurs, réalisé entièrement seul sur son ordinateur - sacré exploit. Cinq ans plus tard, le réalisateur letton s’est cette fois entouré d’une large équipe pour donner vie au non moins insensé Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau, film d’animation sans paroles qui met en scène un adorable matou se réveillant dans un monde où l’humanité semble s’être évaporée. On a à peine le temps de se questionner sur les raisons de cette disparition qu’un un raz-de-marée engloutit une bonne partie des terres. L’eau ne faisant que monter, le chat trouve alors refuge sur un bateau, seule chance de survie, avec un groupe d’animaux disparates : un capybara porté sur la sieste, un labrador pas très malin, un héron abandonné par les siens et un lémurien chapardeur. Des personnalités immédiatement incarnées par le réalisme sidérant des bruits et des mouvements des bestioles, avec une imagerie 3D minimaliste qui emprunte au jeu vidéo. Voilà qui suffirait à nourrir un conte façon Disney d’Europe du Nord, mais Zilbalodis impose un ton qui lui est propre, léger et grave à la fois, minimaliste et massif (le gigantisme des décors), sensoriel et onirique.

    « C’est L’Âge de glace réalisé par Alfonso Cuaró», comme le résume très justement un sagace collègue. Difficile en effet de ne pas penser aux Fils de l’homme devant ces plans-séquences ahurissants de courses-poursuites, où les mouvements de caméras rappellent constamment l’urgence et la mort qui guette. Flow… est également un tour de force narratif qui produit de la mythologie à tour de bras sans prononcer le moindre mot, juste à l’aide de restes de structures humaines laissant envisager un passé florissant (une sorte de temple, une cité engloutie à l’architecture indéfinissable…). Constamment immersif, le film joue de notre biais anthropomorphique sans jamais se départir d’un regard à hauteur de chat. Une fable, une grande, émouvante et sincère, sur le pouvoir du collectif. Et certainement un peu sur l’inutilité de notre espèce, voire sa responsabilité dans l’effondrement du monde. Le règne animal commence ici.