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En appréhendant ce nouveau film de l’espagnol Victor Erice, plusieurs choses nous ramènent invariablement à son classique, L’Esprit de la ruche (1973), d’abord parce que la filmographie du cinéaste n’a pas beaucoup d’occurrences, qu’ensuite, on y retrouve son interprète, Ana Torrent et qu’enfin, il y soit également question des pouvoirs magiques du cinéma. Revient en mémoire cette séquence de L’Esprit de la ruche où la jeune Teresa invite son amie, Ana, à « fermer les yeux » si elle veut rencontrer l’esprit du monstre de Frankenstein qu’elle vient de découvrir sous les traits de Boris Karloff dans le classique de James Whale. « Le monde du cinéma n’est que trucage, le corps n’est qu’un déguisement ». Fermer les yeux prolonge aujourd’hui cette idée du vertige des sens, propre à l’envoûtement (aux tromperies !) cinématographiques. C’est d’abord l’histoire d’un tournage, un film dans le film autour d’une enfant à retrouver au fin fond de l’Asie, puis celle d’un acteur qui disparaît, interrompant du même coup la création. Ellipse. Deux décennies ont passé. Le mystère de cette évaporation reste entier. Pour autant, l’infortuné réalisateur sollicité par une émission de télé, accepte de se replonger dans ses souvenirs, de refermer les yeux pour retrouver l’esprit de l’absent. A partir de là, Erice tisse un film sur la mémoire, la permanence des choses, et le désir absolu de fixer des images dont la puissance ne dépend pas de leurs simples présences mais d’un agencement au sein d’un continuum mystérieux. Vertigineux.