Toutes les critiques de Autant en emporte le vent

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Autant en emporte le vent ressort sur grand écran. C'est l'occasion de faire un peu d'histoire et d'aller voir, en conditions, les origines du cinéma de grand spectacle. On constatera, avec ce film de producteur réalisé en 1939, la puissance et l'étonnante solidité de Hollywood. Il s'agit d'une affaire que l'on veut efficace, d'un commerce qui dût par-dessus tout être rentable, et qui le fût si bien qu'il l'est encore.
    Comment cela fonctionne-t-il ? Avec des partis pris narratifs assez plats, où chaque scène apporte à son tour sa part de réponses et de questions nouvelles. La curiosité tenue en éveil ne faiblit pas pendant quatre heures de Technicolor éclatant, de cris, de larmes, d'ambitions échevelées, de baisers rares et longtemps désirés. La mise en scène est intéressante par son côté pervers. Elle étouffe nos protestations contre la caricature raciste que comporte le film en portant également chacun de ses éléments au rougeoiement incandescent de la caricature. Tous les bâts blessent dans Autant en emporte le vent qui s'occupe justement de décrire une chute. Un monde de privilèges, de hiérarchie, d'élite reposant sur des principes plus ou moins sacrés s'écroule et laisse place au monde profane, " égalitaire ", du commerce. Ainsi l'accent et la mimique de Mama (Hattie McDaniel), la fidèle gouvernante noire, blessent, mais aussi l'arrivisme sauvage de Scarlett (Vivien Leigh), la bigoterie repoussante de tante Pittypat Hamilton (Laura Hope Crew), l'impuissance désoeuvrée d'Ashley (Leslie Howard), la pudibonderie qui étouffe le corps et l'âme volcaniques de Mélanie (Olivia de Havilland), le sourire enfin, bien trop ravageur de Rhett (Clark Gable).Tout cela griffe le bon goût du spectateur et l'engage cependant (perversement), à plonger avec délice dans les abîmes racoleurs des effets dont le film - à l'image de Belle Watling (Ona Munson) la prostituée au grand coeur d'Atlanta - s'habille tout entier. Ajoutez à cette colonie de paroxysmes ambulants que sont les personnages une action constituée exclusivement de moments explosifs : explosion de colère, de joie, d'amour, de haines, etc… sur fond de guerre civile, d'incendies, de ciels rouges au soleil couchant, qui détachent en ombres chinoises des silhouettes héroïques sur la ligne d'horizon, voilà, vous avez commencé d'imaginer GWTW, Gone with the wind, Autant en emporte le vent.Pour le voir avec plaisir il faut donc s'accoutumer à la surenchère, ne pas se choquer de l'irréalisme consommé dans lequel elle nous entraîne, et se laisser porter d'une émotion à l'autre par le flot puissant du film. Une fois engagé dans le mélo pas de danger qu'il ne nous lâche, tout est calculé et notre bonne volonté sera toujours payée de retour par la bonne alternance de joie et de peines, de victoires et de défaites dans l'accomplissement d'une trajectoire globale où les destinées individuelles se mêlent pour se perdre ensemble dans l'esprit du temps. Origine de la superproduction hollywoodienne, Autant en emporte le vent dont les nombreux Oscars et le succès commercial cristallisent l'alliance de l'art et du commerce, les premiers pas de l'industrie culturelle, transporte en filigrane l'esprit du temps qui l'a vu naître et qui nous voit naître encore aujourd'hui. Une fleur s'ouvre avec lui, dans nos yeux gavés de fiction Technicolor, c'est l'Amérique moderne, audacieuse, impertinente, profane et cynique. Voilà pourquoi, depuis 1939 GWTW n'a pas cessé d'être notre contemporain.Autant en emporte le vent (Gone with the wind)
    Réal. : Victor Fleming
    Avec Vivien Leigh, Clark Gable, Leslie Howard, Olivia de Havilland, Hattie McDaniel...
    Etats-Unis - 1939 - 3h 58mn
    Date de sortie : 20 Mai 1950
    Date de reprise : 1er Octobre 2003