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Longtemps attendue, l’adaptation en série de l’oeuvre maîtresse d’Isaac Asimov est un peu trop de son temps pour convaincre vraiment. Mais elle donne à Lee Pace un rôle impressionnant et démesuré.

Le cycle de Fondation attend depuis des dizaines d’années une adaptation à la hauteur. Nous voilà en 2021, ce moment où les studios se tournent vers les Auteurs – notez la majuscule – à l’heure où, justement, il n’y a plus d’auteurs : seulement des univers, des totems, des marques. Warner s’empare du cycle de Dune (le film de Denis Villeneuve peut aussi se voir comme le prologue de la future série télé pour HBO Max, Dune : The Sisterhood), le titan Amazon a déjà mis la main sur Tolkien (la série Le Seigneur des anneaux) et Apple nous offre Asimov. Un des titans de la SF américaine, dont le roman Fondation apparaît comme la matière idéale à une adaptation, non seulement en termes de narration mais de style : Isaac Asimov, touche-à-tout génial issu de l’école du pulp et de la vulgarisation scientifique, homme à tout faire, à l’aise dans tous les genres (comme l’écrivait son confrère de la revue Astounding Stories, Robert A. Heinlein, auteur de Starship Troopers : «La spécialisation est bonne pour les insectes»), n’a justement guère de style.



Fondation - la série débute ce vendredi sur la plateforme Apple TV+ - est donc un terrain de jeu idéal pour showrunner ambitieux. Inspiré par la monumentale Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain d’Edward Gibbon, Fondation se déroule dans un très lointain futur, où un empire règne sur « trois trilliards d’êtres humains » répartis sur toute la galaxie. Hari Seldon, un scientifique maître de la « psychohistoire », une discipline censée prévoir les grands bouleversements futurs, voit venir la chute inévitable de l’Empire suivie de « dix mille ans de ténèbres ». Muselé par le pouvoir, il va mettre au point un plan pour que l’humanité survive. En refermant chaque roman du cycle de Fondation, on se dit que, pas de doute, ça ferait une excellente série télé : chaque bouquin semble esquisser un cycle saisonnier, construisant une histoire particulièrement épique, enjambant les décennies et les années-lumière jusqu’à une conclusion en forme de twist dingo. En y repensant, les petits génies de Westworld se sont peut-être beaucoup inspirés de Fondation pour faire de leur série un phénomène à twists destinés à faire exploser les réseaux sociaux...

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SYNTHÈSE SF. Justement : en voyant les six premiers épisodes de Fondation, conçue par Josh Friedman (La Guerre des mondes de Spielberg, Terminator : Les Chroniques de Sarah Connor, le pilote de la série Snowpiercer...) et David S. Goyer (les trilogies Blade et Batman de Nolan, plus les séries Da Vinci’s Demons ou Krypton), on ne peut s’empêcher de se dire que la série est bel et bien de son temps. On y trouve Jared Harris en scientifique alarmiste directement importé de Chernobyl, une planète alien représentée par une grande plage volcanique islandaise – la grosse star des prods SF minimalistes depuis Interstellar –, des designs géométriques abstraits façon Apple Store, une chrono décousue à la Westworld, une ambiance "young adult" renforcée par son casting jeune et pimpant (avec des personnages dont le genre a été inversé par rapport aux livres, ce qui va bien faire rouspéter les fans grincheux, tant mieux) et sa haute couture du futur signée des costumiers de Hunger Games... Le sujet appelait des délires à la Jupiter Ascending (ou à la prélogie de Lucas, autre récit de la décadence et de la chute d’un empire), mais plutôt que d’aller vers des mondes inconnus et/ou décadents, Fondation fait le choix un brin paresseux de la synthèse SF en bout de course : épurée jusqu’au refus du spectaculaire. C’est un choix, mais c’est dommage. La série se regarde sans déplaisir aucun, mais on regrette qu’elle n’ait pas plus joué la carte du monumental.

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GARDIEN DE LA GALAXIE. Reste une idée géniale et fascinante : l’empereur de la galaxie, qui se clone lui-même depuis quatre cents ans, et assure la continuité de son règne à travers un triumvirat de clones. Un enfant, un adulte et un vieillard qui se passent l’exercice du pouvoir à travers les siècles. Incarné adulte par Lee Pace, il fournit à Fondation ses meilleures scènes, tragiquement pompeuses, où l’acteur se réjouit de détenir entre ses mains le destin de la galaxie. L’idée de l’empereur cloné, qui n’était pas dans les romans d’Isaac Asimov, est carrément brillante et montre que les créateurs auraient mieux fait de continuer à suivre leur propre instinct, leurs propres visions, que de tenter de cloner les idées visuelles de la SF de ces dix dernières années. C’est ainsi que s’effondrent les empires, paraît-il.