Il y a quelques mois, nous vous apprenions la triste nouvelle de la mort du grand Philip Seymour Hoffman, l'acteur américain oscarisé pour Truman Capote en 2006, retrouvé sans vie dans son appartement de New York. Il avait 46 ans.
Après enquête, il s'est avéré que l'acteur fétiche de Paul Thomas Anderson (avec qui il a tourné cinq films dont Boogie Nights, Magnolia, et récemment The Master) avait succombé à une overdose d’héroïne, une addiction qui le rongeait depuis plusieurs années. Dès l'annonce de sa mort aussi soudaine que tragique, plusieurs hommages avaient fleuri sur les réseaux sociaux, suivis par ceux de l'équipe de Hunger Games (il avait rejoint la saga avec L'embrasement et il était en train de tourner le dernier épisode au moment de sa mort), avant que Gary Oldman, George Clooney, et Aaron Sorkin y aillent eux aussi de leurs poignantes déclarations.
Il y a quelques semaines, c'est le brillant écrivain John Le Carré qui a pris la plume dans le prestigieux New York Times pour raconter Philip Seymour Hoffman. Un texte dont nous vous proposons quelques extraits traduits en français.
Staring at the Flame, par John Le Carréle 17 juillet 2014 : "Je pense que j'ai dû passer en tout et pour tout cinq heures en compagnie de Philip Seymour Hoffman, peut-être six. Le reste du temps, je me tenais aux alentours avec d'autres personnes travaillant sur le film, je le regardais jouer sur le moniteur, et je lui disais qu'il était formidable, ou je décidais de garder mes pensées pour moi-même.""Rétrospectivement, rien ne me surprend concernant Philip, car il avait ça, il dégageait ça, parce que son intuition était toujours lumineuse dès le moment que vous le rencontriez. Il était d'une telle intelligence. Beaucoup d'acteurs jouent avec intelligence, mais Philip était l'intelligence : un grand penseur artistique avec une intelligence qui venait lentement à vous et vous enveloppait comme une paire de phares allumés dès le moment où il vous attrapait la main, puis il vous encerclait les épaules avec un énorme bras réconfortant et plaquait sa joue contre la vôtre, ou, si l'envie lui prenait, il vous serrait contre lui comme un grand écolier rondouillard, puis se levait et vous laissait admirer l'effet provoqué par cette étreinte.Philip prenait tout ce qu'il y avait à prendre, tout le temps. C'était un travail pénible et épuisant, et c'est sans aucun doute ce qui a causé sa perte. Le monde était trop brillant, trop tentant, pour qu'il puisse le gérer. Il a bousillé ses yeux et été ébloui jusqu'à la mort.""Aucun autre acteur ne m'a jamais fait autant d'effet que ma première rencontre avec Philip : ni Richard Burton, ni Burt Lancaster, ni Alec Guinness. Philip m'a accueilli comme s'il avait attendu de me rencontrer toute sa vie, ce qui je pense est sa façon de saluer tout le monde. Mais j'ai mis du temps à le rencontrer. Je considérais son "Capote" comme la meilleure performance d'acteur que j'avais jamais vue à l'écran. Mais je n'ai jamais osé le lui dire, parce qu'il y a toujours un danger avec les acteurs, quand vous leur dites à quel point ils étaient géniaux neuf ans plus tôt, et qu'ils vous demandent ce qui bloque alors avec leurs performances aujourd'hui.""(Au début du tournage de Un Homme très recherché), il y avait un problème avec l'accent. Nous avons eu de très bons acteurs allemands qui parlaient l'anglais avec un accent allemand. Ce que nous a dicté la sagesse collective, pas forcément à bon escient, était que Philip devait faire comme eux et parler de la même façon. Les premières minutes que j'ai passé à l'écouter, j'ai pensé : "Ah ! Merde !". Car jamais aucun allemand ne parlait anglais comme ça. Et alors il a fait une chose avec sa bouche, une sorte de moue. Et soudain, il a semblé embrasser ses dialogues plutôt que de les dire. Puis, progressivement, il a fait ce que les plus grands acteurs réussissent parfois à faire : il a trouvé sa voix devant nous, la seule, l'authentique, celle qui fait foi, celle que vous écoutez au milieu de toutes les autres. Et à chaque fois qu'il quittait le plateau, comme le grand homme qu'il était, on attendait tous son retour avec impatience.Nous allons devoir attendre un long moment avant de revoir un jour un autre acteur de la trempe de Philip."
Philip Seymour Hoffman est depuis hier à l'affiche de Un Homme très recherché de Anton Corbijn, adapté de John Le Carré, avec aussi Rachel McAdams, Willem Dafoe, Robin Wirght, Nina Hoss et Daniel Brühl.
L'histoire de Un Homme très recherché : Plus de dix ans après les attentats du 11 Septembre 2001, la ville de Hambourg a du mal à se remettre d’avoir abrité une importante cellule terroriste à l’origine des attaques contre le World Trade Center. Lorsqu'un immigré d'origine russo-tchétchène, ayant subi de terribles sévices, débarque dans la communauté musulmane de Hambourg pour récupérer la fortune mal acquise de son père, les services secrets allemands et américains sont en alerte. Une course contre la montre s'engage alors pour identifier cet homme très recherché : s'agit-il d'une victime ou d'un extrémiste aux intentions destructrices ?
La bande-annonce de Un Homme très recherché :
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