Une année difficile arrive en ce vendredi soir sur Canal +. Rencontre.
Dans Une année difficile, le comédien phare de La Flamme incarne un homme surendetté croisant la route de militants écolos luttant contre la crise climatique. Ses réalisateurs racontent leur toute première collaboration.
Pourquoi avoir fait appel à Jonathan Cohen pour Une année difficile ?
Olivier Nakache : C’est une histoire comme on en a connu beaucoup dans notre carrière. Car, au début, ce n'était pas lui qui était prévu. On a construit une relation avec Alban Ivanov qu'on aime beaucoup. Et l'écriture de ce scénario a aussi motivée par l'envie d'en duo entre Pio (Marmaï) et Alban. Et puis, peu avant le premier clap, Alban a eu des soucis et ce n’était plus possible pour lui d'assurer le tournage. On a alors décidé de rabattrez les cartes, de confier à Pio le rôle prévu pour Alban et de trouver un autre interprète pour celui de Pio. C’est là qu’on a pensé à Jonathan et on s'est retrouvé le soir même autour d'un café avec lui qui, en pleine post- production du Flambeau, nous a tout de suite dit : « Les gars, je rêve de tourner avec vous mais je ne peux pas car je suis cramé ». Et on lui a répondu : « c’est parfait pour nous et le personnage qu’on te propose qui a pour surnom Lexo » !
Pourquoi vous êtes- vous retourné vers lui ?
ON : Ca fait pas mal de temps qu’il était dans notre zone d’envies. On l’a vu se chercher, se construire à travers un paquet de seconds rôles et, à chaque fois qu’il apparaissait, il faisait mouche. Je me rappelle très bien par exemple de la scène du dîner dans le deuxième volet de Papa ou maman. Il a naturellement une drôlerie qui ne s’apprend pas. On le connaissait un petit peu, grâce à des amis d'amis. Alors, quand il nous finalement dit oui, avec Eric, on a reculé un poil le tournage, on s'est enfermé pendant quatre jours et on a réécrit pour changer notre logiciel et adapter le personnage à Jonathan.
UNE ANNEE DIFFICILE: UNE STIMULANTE COMEDIE SOCIALE [CRITIQUE]Ca veut dire quoi concrètement réécrire pour lui ?
Eric Toledano : Ça veut dire qu'on a pris en compte, comme toujours, la nature de l'acteur qu'on a en face de nous. Jonathan a un truc sur son visage où on sent que ça va dérailler. Une vista comicus. Hier, mes enfants regardaient Premières vacances et à un moment il arrive sur une plage et dit « c’est Tétanos Beach » ! (rires) Jonathan a ce génie des expressions, qu’il les invente ou qu’on les lui mette dans la bouche. Il parvient tout de suite à dédramatiser les choses. Il a quelque chose des héros italiens. Avec lui, tout devient un peu plus léger, même quand c'est grave. Soit exactement ce qu'il nous fallait pour justement être léger sur un sujet sérieux.
Mais être un acteur de comédie qui cartonne, c’est aussi le risque d’avoir des tics ou de s’enferrer dans une zone de confort où on se sait efficace. Comment est-ce que vous luttez contre ça pour l’amener ailleurs ?
ET : Olivier a un talent que peu de gens connaissent. Il sait très bien imiter les gens. Et quelque part, c’est mauvais signe pour les acteurs quand il y parvient car ça veut dire qu’il a chopé un truc de jeu. Et le faire devant eux le pousse, je crois, à les amener ailleurs.
ON : C'est vrai qu’on aime bien tenter de parcourir tout le spectre de jeu d’un acteur et le pousser à repousser ses limites. Avec Jonathan, dans Une année difficile, on joue forcément avec sa nature. Quand c'est drôle, on le pousse, on le stimule comme des coachs. Mais quand c’est tendre ou dramatique, on a pu voir qu’il est aussi à l’aise et je crois qu’il nous a donné des choses qu'il n'a pas forcément données dans ses films précédents.
ET Il ne faut pas oublier que Jonathan a fait le Conservatoire. Dans la rue, les gens l'appellent Marc ou Serge le Mytho. Mais comme la plupart des comédiens qui viennent de la comédie, il a aussi à cœur de prouver qu’il peut être bon dans d’autres registres et une capacité à dégager une certaine mélancolie par la comédie. C’est ce que Jonathan montre dans Une année difficile. Et puis, sur un plateau, honnêtement, c’est un délice. Il est toujours de bonne humeur. Il est constant, il est humble. Ca se vérifie aussi dans la tournée promo qu’on a fait dans toute la France, il prend un temps fou avec chaque spectateur qui vient le voir. Mais ça traduit aussi le symptôme de quelqu'un qui a attendu son tour, aujourd’hui à 43 ans. Comme ça n'a pas fonctionné au départ, il a eu le temps de désirer cette reconnaissance et la savoure.
ON : C’est aussi pour ça qu’il s’est pris en main et s’est créé ses propres rôles qui l’ont mené là où il est aujourd’hui
ET : Et tout ça en trouvant sa singularité. Jonathan a un phrasé et un style particulier. Et c’est en assumant son style et son phrasé qu’il plaît. On a pu le constater dans cette tournée, c’est impressionnant à quel point les gens l’apprécient. Ca nous rappelle Omar (Sy). Je connaissais sa popularité mais je ne la pensais pas à ce point- là. Et entre les gens qui viennent le voir et lui, il n’y a pas de familiarité mais de l’amour.
Est-ce que vous avez travaillé de manière spécifique avec lui sur votre film, à la fois pendant la phase de préparation et sur le plateau ?
ET : À partir du moment où il a pris le train en marche, Jonathan a été d’une rigueur impressionnante. Il était très concerné. Il a travaillé chacun de ses dialogues. Il est venu faire une lecture avec Mathieu Amalric, avec Pio puis une deuxième avec Pio… Il s’est vraiment investi à chaque étape, il s’intéresse même aux bandes-annonces… Il est très concerné. Et sur un plateau, il est à la fois impliqué et très partageur avec ses partenaires. Il te donne autant des idées sur des dialogues à lui que sur ceux des autres personnages. Or nous, on aime fonctionner comme ça en allant chercher de l'inventivité chez nos comédiens. Et ce qu’on avait vécu avec Jean-Pierre Bacri sur Le Sens de la fête, on l’a vécu sur Une année difficile avec Jonathan et Pio. Et, sans faire de prospective, je pense que, de plus en plus, d'autres cinémas et d’autres rôles vont arriver vers lui. Et j’espère que nous aussi on retravaillera avec lui car on n’a pas été au bout de ce qu’on peut faire avec lui. Ce mélange entre comédie et drame qu’on appelle avec Olivier la double nationalité ! (rires) Il n'y a pas beaucoup d’acteurs qui sont aussi intenses des deux côtés. Et vraiment ça nous rappelle ce moment où, en dehors de son potentiel comique, le potentiel dramatique d’Omar nous avait sauté aux yeux. C’est là qu’on avait foncé. Et on veut foncer avec Jonathan.
Une année difficile. De Olivier Nakache et Eric Toledano. Avec Jonathan Cohen, Pio Marmaï, Noémie Merlant. Durée : 1h58. Sortie le 18 octobre 2023
Commentaires