Affiches Films à l'affiche mercredi 16 août 2023
Metropolitan/ SND/ Haut et Court

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT
REALITY ★★★★☆

De Tina Satter

L’essentiel

Un film passionnant tant sur le fond que dans sa forme sur une lanceuse d’alerte – la toute première condamnée en application de l’Espionnage Act sous la présidence de Donald Trump, en 2018 - où Sydney Sweeney impressionne dans le rôle- titre.

Employée de la NSA, Reality Winner fut en 2018 la première lanceuse d’alerte condamnée en application de l’Espionnage Act sous la présidence Trump pour avoir fait fuiter un document révélant une tentative de piratage russe dans l’élection de ce dernier. Et pour la raconter, Tina Satter a choisi une forme hybride, entre fiction et documentaire. En s’appuyant sur la retranscription de l’enregistrement audio de l’interrogatoire de Reality Winner par deux agents du FBI mais en faisant rejouer la situation par des comédiens. Le résultat se révèle passionnant. D’abord parce qu’il nous met ainsi instantanément dans la tête de Reality - décontenancée de voir les agents du FBI débarquer chez elle - puis dans l’ambiance étrange – très lynchienne - de cet interrogatoire. La forme épouse ici totalement le fond pour questionner la notion de réalité, éminemment plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord. Et tout cela est porté, par une Sydney Sweeney exceptionnelle dans le rôle de cette jeune femme à la normalité désarmante et sa manière de faire apparaître peu à peu sa complexité.

Thierry Cheze

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PREMIÈRE A BEAUCOUP AIME

KASABA ★★★★☆

De Nuri Bilge Ceylan

Quelques semaines après Les Herbes sèches, son distributeur Memento a la bonne idée de proposer ce Kasaba, tout premier long métrage réalisé par Nuri Bilge Ceylan en 1999.  L’action se passe dans les années 70 et débute dans une classe d’école où le prof fait lire à haute voix à ses élèves les règles qui gouvernent la vie sociale turque. Et les visages des enfants prennent littéralement possession d’une action qui s’accorde à la langueur d’un temps suspendu. Kasaba est un formidable film sur le regard. La beauté des compositions témoigne de l’importance d’une expressivité réhaussée par un naturalisme divin (on pense beaucoup à Tarkovski). Ce film est autant une découverte (il restait inédit en France) qu’un signe de reconnaissance (tout Ceylan est déjà là) Précipitez- vous en salles !

Thomas Baurez

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FERMER LES YEUX ★★★★☆

De Victor Erice

Pour son premier long métrage depuis Le Songe de la lumière en 1992, Victor Erice met en scène tout à la fois l’histoire d’un tournage, un film dans le film autour d’une enfant à retrouver au fin fond de l’Asie, puis celle d’un acteur qui disparaît, interrompant du même coup la création. Ellipse. Deux décennies ont passé. Le mystère de cette évaporation reste entier. Pour autant, l’infortuné réalisateur sollicité par une émission de télé, accepte de se replonger dans ses souvenirs, de refermer les yeux pour retrouver l’esprit de l’absent. A partir de là, Erice tisse un film sur la mémoire, la permanence des choses, et le désir absolu de fixer des images dont la puissance ne dépend pas de leurs simples présences mais d’un agencement au sein d’un continuum mystérieux. Vertigineux.

Thomas Baurez

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PREMIÈRE A AIME

SECONDE JEUNESSE ★★★☆☆

De Gianni Di Gregorio

Après Le Déjeuner du 15 août, Gianni et les femmesBons à rien et Citoyens du monde, Seconde jeunesse marque une rupture dans la continuité pour Gianni di Gregorio. Car s’il en tient toujours le rôle central dans une atmosphère de fantaisie bienveillante, pour la première fois le personnage ne s’appelle plus par son prénom mais Astolfo et l’action quitte Rome pour un petit village italien Celui des ancêtres de ce prof à la retraite désargenté qui s’y installe après avoir été expulsé de son appartement romain. De ce point de départ, Gianni Di Gregorio tire l’histoire d’une renaissance. Celle de cet homme qui va terrasser la solitude en se faisant une bande de copains haut en couleurs mais surtout en retrouvant l’amour.  Ces scènes face à un personnage de septuagénaire aspirant elle aussi à retrouver une seconde jeunesse constituent un bonheur d’autant plus pur que Di Gregorio a eu la belle idée de faire appel pour ce rôle à Stefania Sandrelli (Le Conformiste). Fantasque, joyeux mais capable de vous mettre les larmes aux yeux sans que vous n’ayez rien vu venir, Seconde jeunesse est un bijou de comédie italienne.

Thierry Cheze

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LES AS DE LA JUNGLE- OPERATION TOUR DU MONDE ★★★☆☆

De Laurent Bru, Yannick Moulin et Benoît Somville

Six ans après avoir déjoué les plans d’un koala maléfique, les As de la jungle sont de retour pour sauver leur territoire. Cette fois-ci, une étrange mousse rose, qui explose au contact de l’eau, menace la forêt à un mois de la saison des pluies. Pas le choix : pour ne pas voir leur maison réduite en poussière, la fine équipe doit vite trouver un antidote. Commence alors un long et périlleux voyage sur le modèle de l’Âge de glace 2 (la fonte des glaces ou la disparition de la jungle, chacun ses problèmes environnementaux…). Ce second opus, dans la veine du premier, est marqué par quelques trouvailles sympathiques, une animation “à l’américaine” colorée, et un humour d’abord destiné aux enfants. Mais il réserve aussi une bonne dose de références et de second degré pouvant faire sourire les parents.

Sarah Deslandes

STRANGE WAY OF LIFE ★★★☆☆

De Pedro Almodovar

Explorant ces temps-ci la forme courte en langue anglaise, Pedro Almodóvar ambitionne, après La Voix humaine en 2020, de livrer en trente minutes sa propre version du western. Avec au centre Silva (Pedro Pascal), cowboy qui traverse le désert à cheval pour rendre visite au shérif Jake (Ethan Hawke), qu’il a bien connu vingt-cinq ans plus tôt quand ils étaient tueurs à gages. On découvre vite que les deux hommes ont eu des liens amoureux mais aussi que Silva a effectué ce voyage dans un intérêt bien particulier. Avec un brillant sens du mélodrame et une utilisation sensuelle des décors, le cinéaste dépeint des héros mélancoliques et vieillissants qui rappellent qu’à l’âge de 73 ans, il commence lui aussi à regarder le passé avec nostalgie. Et on regrette d’autant plus de devoir quitter si rapidement ces cowboys romantiques.

Damien Leblanc

QUAND LES VAGUES SE RETIRENT ★★★☆☆

De Lav Diaz

Dans un noir et blanc empruntant son expressivité granuleuse au cinéma des origines,  Lav Diaz raconte ici la crise morale d’un lieutenant de police. L’homme, fatigué des horreurs que l’état l’oblige à commettre pour combattre la criminalité, cherche une rédemption. Il voit surtout un psoriasis recouvrir sa peau, stigmates d’un karma salement amoché. Dans le même temps, un homme tout juste sorti de prison, part à sa recherche pour se venger. La mise en scène faussement languide du cinéaste philippin adepte des formats longs – sa Femme qui est partie, Lion d’or à Venise en 2016 flirtait avec les quatre heures – cherche avant tout à capturer par la durée, les sens – voire la raison – du spectateur. Il arrive qu’au sein d’un cadre souvent fixe, les corps restent en suspension ou au contraire, dansent, comme pour renvoyer une énergie confisquée. Il s’agit pour celles et ceux qui peuplent les films de Lav Diaz de refuser leur propre anéantissement. Des ombres assoiffés de lumière, refusant les ténèbres.

Thomas Baurez

LA BÊTE DANS LA JUNGLE ★★★☆☆

De Patric Chiha

L’amour envisagé comme pacte faustien qui promet une traversée du temps sous les néons protecteurs des nuits factices d’une discothèque. May (Anaïs Demoustier) et John (Tom Mercier, révélé par Synonymes de Nadav Lapid) voient ainsi les rythmes et modes se succéder tels d’inamovibles vampires attendant le grand soir. L’arrivée de Mitterrand au pouvoir, les ravages du Sida, les attentats du World Trade Center..., autant de bornes temporelles qui défilent et s’éclipsent dans le hors- champ d’un réel tenu à distance. La Bête dans la jungle, librement adapté d’une nouvelle d’Henry James, est un film au romantisme noir, à la poésie ténébreuse, qui sous ses volutes baroques déploie une sensualité revendiquée. Et s’il se heurte parfois à ses propres limites (redondances narratives et afféteries stylistiques), cet objet singulier, séduit.

Thomas Baurez

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PREMIERE A MOYENNEMENT AIME

ABDELINHO ★★☆☆☆

De Hicham Ayouch

Abdellah aime les couleurs chatoyantes et les danses provocantes. Son Maroc à lui fait plus ambiance Rio de Janeiro, d’où son surnom Abdelinho. En construisant son récit autour du choc entre cet animateur de samba allumé et un télévangéliste intégriste illuminé, Hicham Ayouch ne fait pas dans la demi-mesure. D’un côté le fanatique venu sauver le pays des mécréants qui dansent sur la « musique du Diable » ; de l’autre le héros des temps modernes venu le libérer de ses doctrines musulmanes conservatrices. Sans compter qu’au milieu de ce joyeux chaos, notre Brésilien (de cœur) tombe amoureux d’une héroïne de télévision. Mais l'interdit et l'inaccessible finissent par perdre de leur charme dans de trop nombreuses scènes qui sonnent comme le rendez-vous quotidien d’un mauvais feuilleton brésilien. À trop vouloir confronter les mœurs de ces deux cultures, Ayouch tombe dans un antagonisme caricatural au cœur d'une intrigue façon télénovela mal ficelée qui ne permet jamais à cette comédie légère et colorée de se hisser à la hauteur de la satire sociale ambitionnée.

Lou Hupel

 

Et aussi

Blue Beetle, de Angel Manuel

 

Les reprises

Adieu ma concubine, de Chen Kaige

Ne pas avaler, de Gary Oldman