Le Nom de la rose
Constantin Film Verleih

James Bond, Robin des bois, Guillaume de Baskerville… Quel fut le meilleur film de Sean Connery ?

La ressortie au cinéma du Nom de la rose, où l’acteur joue un drôle d’enquêteur franciscain, est l’occasion de remettre un peu d’ordre dans sa filmo qui ne se réduit pas à Bond. Vous le préférez comment votre Sean ? Avec ou sans moustaches ?  

20- Le Jour le plus long de Ken Annakin (1962)
Quand on regarde aujourd’hui le Jour le plus long, Sean Connery ne dépareille pas en private écossais fringant au milieu des superstars d’Hollywood. Armé de son flegme et de son sourire de sourcils iconique, il impose sa modernité et sa spécificité européenne, avec l’autorité de ceux qui sont à leur place. Pourtant, le film est sorti plusieurs semaines avant Dr No et l’explosion 007. La meilleure preuve, sans doute, que Sean Connery serait devenu une star sans Bond. Et l’inverse ? La question mérite d’être posée.

19- La Ligue des Gentlemen extraordinaires de Stephen Norrington (2003)
Nul ne sait en 2003 que ce film sera le dernier. Sean joue Allan Quatermain, qui embarque l’Homme invisible, le Capitaine Nemo et Dorian Gray dans des aventures steampunk écartelées entre le feuilletonisme sombre de la BD d’Alan Moore, les visions de Stephen Norrington (l’auteur de Blade) et les exigences blockbusters du studio (Fox) et de sa star-producteur, qui cherchait une franchise pour ses vieux jours. Le bide du film règlera la question. Sean Connery, 73 ans, ne tournera plus. Norrington, 39 ans, non plus…

18- Highlander de Russell Mulcahy (1986)
Milieu des années 80. Sean se cherche. Il a refait un petit tour par Bond (Jamais plus Jamais) et a compris que ça n’allait plus ni à sa calvitie ni à sa petite bedaine. Les rôles de vieux beaux ? Ça manque de classe. Il a 55 ans. A cet âge, Alec Guiness était déjà maître Jedi pour l’éternité. Alors Sean devient à son tour mentor, avec barbichette et jolies scènes d’entraînement dans les montagnes. Quant à l’éternité, disons que le nom de Juan Sanchez Villa-Lobos Ramirez n’a pas eu la postérité de celui d’Obi-wan Kenobi.

17- Pas de printemps pour Marnie de Alfred Hitchcock (1964)
Dans les années 40/50, Sean aurait pu être Cary Grant, il aurait pu être Ray Milland, Joseph Cotten ou James Stewart… Mais il aurait fallu qu’Alfred soit encore véritablement Hitchcock, et pas sa version morbide, terminale et (trop) consciente de l’être. Face à Tippi Hedren, Sean joue un objet de fascination érotique (ce qui lui va bien) mais ne réussit jamais à s’élever au rang de héros hitchcockien. Sexuellement troublant, oui, mais pas tout à fait assez trouble.

16- La Tente Rouge de Mikhaïl Kalatozov (1969)
En 1969, Connery passe son tour, laissant George Lazenby jouer dans l’un des très grands Bond (Au service secret de sa Majesté). Son film à lui sera une superproduction italo-russe sur une expédition en dirigeable, virant au survival tragique sur la banquise. La star y inaugure son goût pour le transformisme capillaire (cheveux blancs – sans moumoute s’il vous plaît) et pour les rôles d’invité mystère : il apparaît à mi-film, pour en incarner la conscience philosophique et en délivrer la morale définitive.

Indiana Jones et la dernière croisade
Lucasfilm

15- Indiana Jones et la dernière croisade de Steven Spielberg (1989)
Une superbe idée de cast, presque trop belle pour être vraie. Au concours d’insolence et de charme désinvolte, qui est le meilleur entre le père (Sean) et le fils (Harrison Ford) ? Question rythme comique, petite blague en passant et sourire en coin, Sean fait mouche à chaque fois, dans un film dont par ailleurs, la dimension spectaculaire est (hélas) celle d’un James Bond années 80. Le bob sur la tête évoque ses dramas pour mamies (Un Anglais sous les tropiques) et rappelle que personne, ici, ne prend les choses très au sérieux.

14- Zardoz de John Boorman (1974)
Le film est ce qu’il est, un artefact de son temps, entre psychédélisme et exploitation. Mais deux choses y sont inoubliables, définitivement inscrites dans le grand livre pop culturel : le gigantesque masque de pierre volant qui crache des armes et le look impayable de Sean, avec sa natte jusqu’aux fesses, sa grosse moustache porno 70’s, ses jambières noires et son slip rouge écarlate. S’il voulait échapper une bonne fois pour toute au chic Bondien, il ne pouvait pas faire mieux.

13- Medicine Man de John McTiernan (1992)
Un semi-remake de African Queen sur fond de drame de la déforestation. Las, les (quasi) premiers pas de Connery comme producteur s’accommodent mal des rigueurs du tournage en Amazonie, de la (contre)performance outrée de Lorraine Braco et de la parano artistique de McTiernan. Le film sera tailladé au montage puis marketé comme un blockbuster d’action, loin de sa conscience humanitaire et de son charme de comédie d’aventures. Côté Sean, ses cheveux longs de chercheur post-hippie peuvent évoquer l’Oreille Cassée.

12- Outland de Peter Hyams (1981)
Au début des années 80, alors que Star Wars, Rencontre du troisième type et surtout Alien sont passés par là, tout le monde veut son film d’espace, avec le grand nulle part, les scènes en apesanteur et les coursives de stations satellite (ici en orbite autour de la lune de Jupiter). Outland sera l’un des meilleurs du lot, portée par un esprit B efficace et l’autorité de Sean en sheriff du cosmos, opposé non pas à des extraterrestres, mais à la corruption des hommes. 

11- Rock de Michael Bay
Tous les Transformers du monde n’y changeront rien : le meilleur de Michael Bay, c’est la doublette Rock/Armageddon, indéfendable sur le plan du bon goût mais inattaquable sur le plan du plaisir brut décomplexé. Rock devait imposer Nick Cage en héros d’action, c’était sans compter sur le vieil Écossais qui lui chipe le film en se faisant couper les cheveux, non sans se le faire piquer à son tour par un Ed Harris en état de grâce. Bref, dans Rock, les acteurs sont pas mal. Et mine de rien, Sean Connery est premier au générique.

Sean Connery dans James Bond 007 contre Dr No (1963)
MGM

10- James Bond contre Dr No de Terrence Young (1962)
Dans Casino Royale, Daniel Craig sort de la mer en maillot de bain, faisant admirer ses pectoraux sous les vaguelettes. Cinquante ans avant, c’était un autre monde, c’était un autre Bond, en pantacourt et polo bleu pastel, profitant de la plastique d’Ursula Andress. Alors, l’époque permettait ça : on ne se lassait pas de le regarder la regarder. Le torse velu de l’acteur n’en est pas moins l’attraction d’une scène de mygale elle aussi restée célèbre (mais un peu moins).

9- The Offence de Sidney Lumet (1973)
Sean et Sidney, ce sont cinq collaborations, qui vont de l’inoubliable (la Colline des hommes perdus, lire plus haut) au longtemps oublié The Offence, qui attendit 35 ans avant de sortir en France, car son sujet, l’affrontement entre un flic au bord du burn-out et un violeur de fillettes, faisait peur. Les effets expérimentaux (hyper ralenti, flashs subliminaux, musique trip) font leur âge mais soulignent la perte de sens, le vertige, l’obsession. A l’origine du projet, Sean Connery considérait qu’il s’agissait de son meilleur rôle.

8- La Grande attaque du train d’or de Michael Chrichton (1978)
Pour attaquer le train il faut copier quatre clefs de coffre, pour copier les clefs, il faut recruter des complices (superbe Donald Sutherland), séduire des jeunes filles, faire évader des monte-en-l’air, piéger des notables, cambrioler des caves etc. etc. jusqu’à la scène d’attaque elle-même, où l’ex-007 court sur le train au péril de sa vie (des cascades post Keaton et pré-Tom Cruise du plus bel effet). En bandit de grand chemin, haut de forme, barbe taillée au millimètre, il est parfait. Sean Connery, quoi.

GALERIE
Les Acacias

7- Le Nom de la rose de Jean-Jacques Annaud (1986)
Un film d’enquête et d’aventures écrit par un Italien, tourné par un Français, avec un Écossais qui roule les r dans le rôle d’un moine franciscain du XIVème siècle en bute avec l’inquisition, pour sa défense des hérétiques et d’un rationalisme forcené. Au moment du tournage, Sean Connery est à la croisée des chemins, hésitant entre prendre de l’âge à l’écran (la calvitie de Cinq jours ce printemps-là) et le refus de vieillir (Jamais plus jamais). Le carton mondial du Nom de la Rose tranchera pour lui.

6- Les Incorruptibles de Brian De Palma (1987)
En état de grâce, Sean, avec sa casquette, sa matraque, son inénarrable attitude de vieux flic qui a tout connu, tout vu, tout compris, surtout le potentiel du jeune Elliott Ness (Kevin Costner). Le film a pris un petit coup de vieux tout depalmesque mais le Malone de Connery, lui, ne bouge pas, notamment grâce à sa scène de mort inouïe où, criblé de balles à la mitraillette, il se traîne par terre et crache sa réplique ensanglantée « what are you prepared to do ? » Un Oscar du meilleur second rôle bien mérité.

5- La Colline des Hommes perdus de Sidney Lumet (1965)
Le film qui a montré au monde entier qu’il y avait bel et bien un acteur d’exception derrière James Bond. Le noir et blanc de Lumet, son sens du théâtre tragique sont fabuleux, comme Sean et ses compères, dans le rôle de soldats british envoyés dans un camp disciplinaire inhumain, bien loin de l’image proprette et noble de l’armée de sa Majesté. Une grande partie des préoccupations humanistes de Connery (l’engagement, la dignité, le refus de l’arbitraire, le menton haut) y trouvent une première (et spectaculaire) expression.

4- Traitre sur commande de Martin Ritt (1970)
Le titre VF est dédié à la moustache de Richard Harris, agent infiltré chez les mineurs de Pennsylvanie, pour y contrer l’influence de dangereux activistes. Le titre VO (the Molly Maguires) penche lui vers lesdits activistes, une société secrète menée par une autre moustache, celle de Sean Connery. Entre le flic traitre et le criminel drivé par un idéal, le film adopte le point de vue fataliste de la loi. Sur le plan du talent, les deux acteurs de génie se regardent droit dans les yeux et se serrent la main. À égalité.

3- A la poursuite d’Octobre rouge de John McTiernan (1990)
Pourtant, Alec Baldwin est très bon. Très, très bon, même. Mais qui se souvient qu’Octobre rouge devait lancer une franchise Jack Ryan ? Non, ce qui reste de ce classique, c’est Marko Ramius, le commandant de sous-marin russe au regard et à la chapka sombres, engagé dans la plus belle défection à l’Ouest du cinéma. Pour l’occasion, la star inaugure le combo barbe-coiffure de renard blanc à reflets noirs de sa troisième carrière, l’époque où l’on ne pensait même plus à James Bond quand il était à l’écran. Et à Jack Ryan encore moins.

2- Opération Tonnerre de Terrence Young (1965)
Il est également merveilleux dans Goldfinger, Bons Baisers de Russie ou dans le Japon délicieusement sixties de On ne vit que deux fois. Mais Sean Connery est encore plus irrésistible dans l’inflationniste Opération Tonnerre (méga-budget, cinémascope, action et gadgets non-stop), surtout si l’on en juge par le nombre de ses conquêtes féminines, – quatre Bond Girls, son record, ce qui en fait le plus « moi aussi » mais le moins #MeToo des films de la saga.

1- L’Homme qui voulut être roi de John Huston (1975)
C’est un rêve de gosses. Un film colonial anglais réalisé par le cinéaste aventurier par excellence (John Huston), avec les deux plus grands acteurs britanniques des années 60 à nos jours, l’Écossais brun au doux chuintement Sean Connery et l’Anglais blond à l’accent cockney Michael Caine, enfin réunis. Le film semble d’abord appartenir au second, narrateur espiègle et Monsieur Loyal flamboyant, puis se rend (comme à l’évidence) à la puissance du premier, celui dans lequel les Indigènes du Kafiristan voient Sikander, le « fils d’Alexandre », un Roi, un Dieu vivant. Dans ce film extraordinaire adapté de Kipling (joué par Christopher Plummer, fantastique lui aussi), Sean Connery déploie ainsi ses deux facettes de son talent : aussi à l’aise comme second rôle de luxe (la première partie du film, et une bonne moitié de sa filmo) qu’en superstar magnétique, bouffant l’écran avec sa moustache hongroise, passant en un froncement de sourcil du statut de contrebandier charmeur à celui de Roi soleil, avant de faire tranquillement le chemin inverse, dans une parabole sur la vanité des hommes, la volatilité des destins et la relativité de toute chose. Sauf du génie de Sean Connery.