Il y a cent ans, Paris accueillait déjà les JO. Si la télé n’existait pas et que le cinéma était muet, un sublime film d’époque a rendu compte de l’évènement. Il vient d’être édité en vidéo.
100 ans. Un siècle. 1924 – 2024. Entre-temps des guerres, des paix, des crises, des révolutions politiques, scientifiques et technologiques... Entretemps surtout, le sport cet opium du peuple est devenu un business tellement colossal qu’on se demande s’il est bien sérieux de continuer à s’extasier devant nos athlètes-sponsorisés. Pourtant après trois semaines de Paris 2024, que d’aucuns voyaient d’un œil inquisiteur prédisant un immense fiasco, on en redemande. Bonne nouvelle, le volet Paralympique s’ouvre dans quelques jours.
En attendant vient de surgir dans les bacs vidéos ce documentaire d’époque, Jeux Olympiques, Paris 1924 de Jean de Rovera, trois heures de cinéma (muet) autour de ces olympiades d’un autre âge. La restauration 2K permet de (re-)découvrir des images absolument démentes qui rendent à la fois compte d’un évènement sportif et d'une époque.
La revanche après le fiasco
Ces JO de 1924 étaient censés faire oublier le fiasco de ceux de 1900, organisés également à Paris en marge de l’Exposition Universelle qui aura littéralement phagocyté l’évènement sportif. En ce début des années 20, Pierre de Coubertin tient sa revanche et ce, dès la cérémonie d’ouverture avec son défilé d’athlètes (beaucoup d’hommes, peu de femmes) représentant 44 nations dans l’enceinte du stade de Colombes. Dans les tribunes, toute une faune endimanchée issue de la bourgeoisie et de l’aristocratie. Le « petit » peuple semble, en effet, absent du raout.
Le réalisateur de L'esprit Coubertin analyse les JO
Une fois la cérémonie achevée, le film indique à l’aide d’intertitres les exploits des différents sportifs que l’opérateur a saisi avec une justesse de vue sidérante. Le film enchaîne les disciplines selon la chronologie de l’organisation (lutte gréco-romaine, athlétisme, natation… ) On pense évidemment aux premiers films Lumière avec leurs plans fixes dont le dynamisme provient de l’intérieur même du cadre et non pas d'un jeu d’artifices de mise en scène extérieur.
Le seul effet utilisé par Jean de Rovera est le ralenti, véritable star de ce documentaire tant il permet de saisir dans toute sa force et sa beauté la grâce des athlètes. Mais Jean de Rovera contrairement à Leni Riefenstahl dans ses Jeux du stade, la fête des peuples (1936), n’abuse pas des contre-plongées et autres cadrages sophistiqués pour sacraliser le corps humain. Les ralentis permettent surtout d’appréhender l’exploit sportif que l'œil de la caméra ne saurait saisir à vitesse réelle.
Tarzan superstar
Parmi les stars de ces JO : le nageur Johnny Weissmuller, futur Tarzan pour Hollywood, trois fois médaillé d’or (une de moins que Léon Marchand) ; les as du 100 m, les britanniques Harold Abrahams et Eric Liddell dont le destin croisé inspirera Hugh Hudson pour ses Chariots de feu (1981) ou encore les tennismen français Jean Borotra et René Lacoste.
Le noir et blanc sublimement restauré, le silence de la projection (accompagnée par la musique originale de Donald Sosin) et l’économie de la mise en scène, permettent une immersion totale. Une immersion qui contraste avec l’orgie télévisuelle que nous venons à peine de vivre (subir), faite d’une multiplication des prises de vue qui déréalisent bien souvent la performance, de commentaires incessants au chauvinisme exacerbé ou encore d’autocélébrations béates.. Ce film de 1924, c'est la victoire du cinéma sur le petit écran.
Jeux Olympiques, Paris 1924 de Jean de Rovera. Edition : Carlotta. Durée : 174 minutes.
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