Une association rigoriste milite contre la sortie en salles du nouveau long-métrage d’Abdellatif Kechiche en raison du caractère explicite de certaines scènes. Sans vraiment l’avoir vu ?
Abdellatif Kechiche est de nouveau dans la ligne de mire d’une association rigoriste. Déjà, en 2016, l’association catholique d’extrême droite Promouvoir avait tenté de faire interdire sa Palme d’or, La Vie d’Adèle sortie en salles en 2013, aux moins de 18 ans. Une décision rejetée à l’époque par le Conseil d’Etat, gardant l’interdiction d’âge de départ à savoir aux personnes de moins de 12 ans. Aujourd’hui, c’est Mektoub My Love – Intermezzo, son nouveau film présenté il y a quelques jours à Cannes, qui est la cible d’une autre association prônant la morale et veillant aux bonnes mœurs, la méconnue Stop Au Porno.
Ce nébuleux collectif se présente comme "des personnes désireuses de sensibiliser, de façon globale, réaliste, bienveillante et pratique ceux qui sont touchés de près ou de loin par la pornographie" et œuvre majoritairement à travers son site internet. Dans un récent communiqué, publié le 4 juin selon Le Figaro, l’association a exprimé son souhait de faire interdire le visa d’exploitation d’Intermezzo afin qu’il ne soit pas diffusé "auprès d’un public non averti."
Cannes 2019 : Mektoub My Love - Intermezzo choque la CroisetteJeanne Smits, membre de Stop Au Porno, journaliste et vice-présidente de l’AGRIF (Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne), a confié dans une interview donnée au Parisien : "On justifie un certain nombre d’images pornographiques par leur qualité artistique. Mais ces scènes de sexe non simulées ont écœuré à Cannes des spectateurs alors qu’ils sont plutôt aguerris."
Si Stop Au Porno parle de plusieurs scènes de sexe non simulé, en réalité, il n’y en a qu’une seule, vers la fin du film, qui a effectivement agité la Croisette et, plus tard, les réseaux sociaux : un cunnilingus de près d’un quart d’heure. Il n’y a toutefois, selon plusieurs journalistes ayant vu le film lors du Festival de Cannes, aucune autre scène de sexe dans Intermezzo. Simulée ou non. Ce qui pourrait sous-entendre que l’association anti-porno veuille faire interdire une œuvre qu’elle n’a même pas vu.
Nouvelles polémiques autour de Mektoub My Love – IntermezzoEn outre, rien ne peut permettre d’affirmer à l’heure actuelle que le film d’Abdellatif Kechiche sortira en salles en l’état. Intermezzo n’a pour le moment pas de date de sortie de prévu. Le cinéaste a également expliqué, lors d’une conférence de presse pendant le festival, qu’il pensait à remonter le film voire enlever certaines scènes sans forcément préciser lesquelles. Pour l’instant, il n’y aurait que très peu de chance pour le grand public de voir la même version que celle présentée aux festivaliers.
Voilà quelques années que le cinéma d’auteur est le cheval de bataille d’associations religieuses et rigoristes brandissant la censure comme seule arme. En 2015, Promouvoir avait, de son côté, réussi à faire interdire aux moins de 18 ans Love, romance subversive signée Gaspar Noé dans laquelle le réalisateur avait utilisé des doublures pornographiques pour des scènes d'amour explicites et non simulées. Le film avait été ensuite retiré des salles peu de temps après sa sortie.
Love : le Conseil d'État confirme l'interdiction aux moins de 18 ansReste à savoir si Stop Au Porno va réussir à interdire le visa d’exploitation de Mektoub My Love – Intermezzo avant sa sortie ou même sa classification. Une chose est sûre : censuré ou non, le prochain film d’Abdellatif Kechiche commence à avoir une réputation sulfureuse qui le précède. Ce qui pourrait jouer en sa défaveur lors de sa sortie au cinéma. Ou en sa faveur, si les polémiques arrivent à susciter plus la curiosité que l’indignation.
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