Stéphane Kazandjian regrette : "On a essayé de racoler le public de la "Bande à Fifi" ou de Cyril Hanouna. C’était la schizophrénie du film, qui voulait plaire au public de Hanouna avec les stars de Quotidien."
Bad Buzz fête ses 5 ans. Sortie le 21 juin 2017, cette comédie portée par Eric et Quentin, les animateurs de Quotidien, a attiré moins de 50 000 spectateurs au cinéma. Un flop sur lequel revient son réalisateur, Stéphane Kazandjian auprès de BFMTV. Avant ce film de commande, "j'étais connu pour Sexy Boys, une comédie pour les ados, et je n'avais pas tourné depuis Moi, Michel G en 2011, commence-t-il. J'avais très, très envie de repasser derrière la caméra et en même temps je n'avais pas d'idées. Un jour, mon agent, qui représente aussi Éric et Quentin, m'appelle en me disant qu'ils font un film et qu'ils cherchent un réalisateur. Il me demande si ça m'intéresse. Je lis le scénario. Il y a des trucs à reprendre, mais je le trouve sympa. On se voit puis tout s'enchaîne très vite. On devait être en mars-avril et en juillet-août, on tournait." Il détaille ensuite avoir succédé à Thomas Sorriaux et François Desagnat, les réalisateurs de La Beuze et des 11 commandements : "Ils l'ont refusé. Ils avaient mieux lu le scénario que moi...", puis évoque les problèmes internes (passage de Quotidien du groupe Canal + au groupe TF1) qui ont selon lui impacté sa qualité : "Ce n'était pas le bon moment. J'ai l'impression qu'ils n'auraient pas dû aller chez TF1. La première année chez TF1 ne s'est pas très bien passée. Ils ont eu cette émission spéciale en janvier, qui a été calamiteuse. Ils étaient fatigués. Ils n'en pouvaient plus. Ils faisaient beaucoup trop de choses. Leur aura s'est un peu délitée et Bad Buzz est arrivé en bout de course. Il aurait fallu que le film sorte quand ils sont partis chez TF1. Tout le monde parlait d'eux à l’époque. Lorsque le film est sorti - c'est horrible à dire -, le produit s'était déjà un peu dégradé."
Le réalisateur confirme avoir été écarté de Bad Buzz en post-production, ne participant pas à sa promotion, ni à son montage : deux monteurs se sont succédé et la fabrication des VFX a été un cauchemar. Il reconnait que voir passer son film de 1h35 à 1h07, "ça me fait un peu mal au cul quand même", et évoque précisément la création chaotique de certaines scènes : "Le bad buzz, c'est le moment où j'aurais dû me filer des claques. C'est quand même la scène qui démarre le film et c'était impossible à découper. On a fait beaucoup de répétitions avec Éric et Quentin pour essayer de trouver la bonne position. Ça ne marchait pas. Tu te retrouves sur le plateau. Il y a cinquante figurants et tu as seulement une nuit pour tout filmer. Tu sais que tu ne vas pas pouvoir faire de dépassement. Tu te démerdes en disant que tu verras au montage. C'est pas bien fait, mais ça raconte ce que ça doit raconter." Le point de départ de cette comédie, c'est effectivement un bad buzz, une vidéo compromettante qui remet en cause la carrière des deux journalistes joués par Eric et Quentin. L'une des scènes choc du film met aussi en scène le duo avec un acteur atteint de trisomie 21, qu'ils aident à uriner. Une idée qui est devenue un mauvais souvenir pour le réalisateur : "Ça s'est déroulé en deux étapes. On l'a tournée une première fois. Il n'y avait pas encore la fausse bite. C'était juste un jet. Alexandre, notre cher accessoiriste, n'avait pas réussi à faire un jet suffisamment puissant. Abel a voulu qu'on la refasse avec un jet surpuissant et donc une grosse bite en vrai. On a eu un jour en plus à la fin pour le refaire. C'était l'un des jours de tournage les plus tristes qu'on ait eu. Est-ce que c'était déprimant parce que c'était sordide ou parce qu'on en avait un peu rien à foutre? On était dans les studios de [Luc] Besson - c'est Europacorp qui sortait le film. Le plateau était énorme, juste pour une toute petite cabine de chiotte. C’était ridicule. Je me demandais ce qu'on était en train de faire. Je n'avais pas envie d'être là."
Globalement, Stéphane Kazandjian considère que Bad Buzz a été tourné pour de "mauvaises raison". "J'ai essayé de faire mon bon petit soldat du mieux que je pouvais, mais je pense qu'au final avec ce scénario-là et ces comédiens-là, on aurait vraiment gagné à le faire hyper cheap, à l'iPhone et trash pour la télé. Sauf qu'il y avait eu la Bande à Fifi et le Palmashow. Tout le monde se disait que les prochains à passer au cinéma seraient Eric et Quentin. Sauf que pour une raison qui m'échappe, ça n'a pas marché. On s'est peut-être tous un peu illusionné en pensant qu'on allait pouvoir transformer leur côté un peu foutraque en quelque chose d'un peu léché. L'autre truc, c’est qu'ils ont quelque chose de très spontané. Le cinéma, mine de rien, s'inscrit dans un temps long. (L'humour potache), ça a été un peu rajouté justement pour essayer de racoler le public de la Bande à Fifi ou de Cyril Hanouna. C’était la schizophrénie du film, qui voulait plaire au public de Hanouna avec les stars de Quotidien. Éric et Quentin, il y a un truc con et érudit en même temps. Leur spectacle marche très bien dans ce registre, d'ailleurs. Le problème, c'est qu'on ne s'est jamais posé la question de qui étaient Éric et Quentin. On a voulu les faire rentrer dans un genre qui n'était pas le leur et dans lequel ils sont rentrés d'ailleurs à pieds joints, puisque c'est eux qui ont écrit le scénario, mais on aurait gagné à se demander ce qu'on pouvait faire avec leur humour."
L'interview complète de Stéphane Kazandjian est à lire ici. Depuis ce flop, il a laissé tomber le métier de réalisateur pour se consacrer à celui de scénariste. Il a récemment signé le script de Loin du périph, la comédie d'action -réussie- de Louis Leterrier, tournée pour Netflix avec Omar Sy et Laurent Lafitte. Il ne compte pas remettre en scène de film pour l'instant.
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