La main de Dieu de Paolo Sorrentino
Netflix

Un récit initiatique où le cinéaste italien se réinvente en se délestant de toutes les marques distinctives de son cinéma... pour signer son plus grand film.

À quoi ressemble le cinéma d’un réalisateur lorsqu’il abandonne sa signature ? Dans La Main de Dieu, il faut une dizaine de minutes avant de savoir où on a mis les pieds. Il y a bien ce très long panoramique sur la baie de Naples, et cette séquence d’intro typique entre sacré et profane. Mais après, tout se brouille. Pendant plus de trente ans, Paolo Sorrentino fut plus qu’un style, une marque. Les mouvements de caméra virtuoses, un art tétanisant du montage, une pensée qui se déploie de manière hallucinatoire, et ce sens inouï du setting musical… En racontant son histoire, sa jeunesse napolitaine, la mort de ses parents et son entrée dans les ordres du cinéma, le cinéaste du trompe-l’œil a décidé de se délester de tous ses oripeaux. Sans effets de style, sans musique, sans cadrages chromés. Ses films faisaient la caricature d’hommes lucides (sur la vie, l’amour, les faiblesses des hommes, la beauté des femmes), il raconte ici une initiation, un déniaisement. Ses héros contemplaient leur vide existentiel, en se demandant où trouver le courage de s’y jeter pour disparaître.

La Main de Dieu est le portrait d’un gamin qui cherche avidement à remplir son manque (sentimental, intellectuel, affectif). Le résultat est stupéfiant. Mis à nu, l’art de Sorrentino, plus calme, moins chaotique, se révèle déchirant : on y trouve la hauteur de vue esthétique, l’espoir viscéral de la renaissance, et l’émotion pure. Avec cet aveu vertigineux qui explique en partie ce geste radical : le jeune Paolo fit de son imaginaire sa cabane, son vaisseau, son décalage. C’est là que résidait son avenir de cinéaste. Il peut monter le son et remettre son walkman sur ses oreilles. Ce reboot artistique est son plus beau film depuis La Grande Bellezza. Non, son plus beau film tout court.