Ce qu’il faut voir cette semaine.
Notà : certains films sortent cette semaine le mardi 14 juillet. Ils sont précisés.
L’ÉVÉNEMENT
DIVORCE CLUB ★★★☆☆ (14 juillet)
De Michaël Youn
L’essentiel
Michaël Youn revient derrière la caméra pour une comédie joyeusement régressive qui a triomphé lors du dernier festival de l’Alpe d’Huez.
En janvier à l’Alpe d’Huez, Grand Prix du festival à la main, Michaël Youn prenait visiblement une revanche sur ceux qui ne l’avaient jamais pris au sérieux comme réalisateur. Éternel Fatal Bazooka pour les uns ou réveille-matin régressif pour les autres, il avait pourtant (agréablement) surpris en passant derrière la caméra avec Fatal puis Vive la France, mais on l’a bien vite oublié.
Nicolas Bellet
PREMIÈRE A ADORÉ
LE SEL DES LARMES ★★★★☆ (14 juillet)
De Philippe Garrel
Dans le cinéma de Philippe Garrel, quelque chose échappe au temps qui passe. Le noir et blanc sur celluloïd détache le réel des impératifs de son décor. Le Paris Nouvelle Vague résiste aux assauts du contemporain. Les portes des appartements, les rampes d’escalier, les entrées d’immeuble, les bouts de zinc n’ont pas bougé. Chaque plan, dépouillé du superflu, semble, comme chez Bresson, arraché au monde.
Thomas Baurez
BELOVED ★★★★☆
De Yaron Shani
Le cinéaste israélien Yaron Shani est apparu lors du Festival de Cannes 2009, avec Ajami, coréalisé avec Scandar Copti. Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs il avait obtenu la Caméra d’or. La structure du film plutôt complexe voyait se télescoper le destin de plusieurs personnages dans un quartier cosmopolite de Jaffa. Shani et Copti arrivaient avec assurance à tenir ce canevas qui se serait complétement défait entre les mains de n’importe quel autre apprenti cinéaste. Certaines plumes avaient même vu en eux des disciples de Martin Scorsese dans cette capacité à électriser le monde maffieux décrit. 2009 donc. Si loin, si proche. Plus de dix ans sans donner de nouvelles et voici non pas un mais deux longs métrages qui sortent coup sur coup.
Thomas Baurez
PREMIÈRE A AIMÉ
ABOU LEILA ★★★☆☆
D’Amin Sidi-Boumédiène
« Algérie, 1994 », écrit en lettres rouge sang sur fond noir. L’action d’Abou Leila se passe en pleine guerre civile, dans un pays plongé dans une violence sourde et aveugle. Au mitan des années 90, le réalisateur Amin Sidi-Boumédiène n’était alors qu’un adolescent perdu et angoissé au milieu d’une société qui implosait. C’est ainsi qu’il s’est présenté lors du dernier Festival de Cannes où son premier film était projeté. Abou Leila restitue ce chaos intérieur où le réel devient mirage, où la quête de sens force à se construire ses propres récits sous peine de perdre la raison, où chaque individu devient le fantôme de sa propre existence. Tout commence dans une rue, un matin. Un homme agité attend le bon moment pour tuer un politicien devant son domicile. La caméra, très mobile, prend littéralement possession de l’espace, se joue des points de vue. L’impression de flottement accentue la tension. Fusillade. L’un meurt, l’autre s’échappe. Cut. Nous sommes maintenant sur une route en plein désert du Sahara. Ici et déjà ailleurs. Entre cauchemar et rêve éveillé. On découvre les deux protagonistes, S. et Lotfi, à la recherche du terroriste Abou Leila, dont on va vite comprendre qu’il est sinon une chimère du moins un point de fixation impossible à relier. Sans perdre le fil d’un récit qui jamais ne se dérobe bien que remis constamment en question, le cinéaste immerge le spectateur dans un monde tout en faux-semblants. « La structure épouse la confusion de l’époque », dit aussi Amin Sidi-Boumédiène. Impressionnant.
Thomas Baurez
MON NINJA ET MOI ★★★☆☆
D’Anders Matthesen et Thorbjørn Christoffersen
Dissipons de suite un malentendu : malgré ses faux airs de Toy Story au rabais, Mon Ninja et moi n’est pas un sous-Pixar, une pâle copie imaginée pour soutirer un peu de cash aux fans de Woody et Buzz. S’il partage une certaine vision du cinéma avec la firme d’Emeryville, le dernier rejeton en date de l’animation danoise se distingue en s’aventurant sur des terres où le studio américain n’oserait pas poser un pied. Bien plus malin que son synopsis ne le laisse penser (un gamin de 5e découvre que la poupée ninja offerte par son oncle est vivante, et capable de distribuer les bourre-pifs comme Jean-Claude Van Damme), ce récit d’émancipation danois prend rapidement un tournant d'une noirceur étonnante. On y voit notamment un enfant-esclave thaïlandais mourir sous des coups de bâton d'un adulte dans un atelier ; un gamin suspecté d'être fou se retrouver enfermé dans un hôpital psychiatrique ; une poupée qui souhaite se venger en donnant la mort… Autant de ressorts dramatiques savamment dosés, qui tranchent avec les scènes – souvent très réussies – de pure comédie, et donnent au message autour de l'affirmation de soi et de la justice une gravité atypique. Légèrement en deçà de ses ambitions sur le plan technique (la coproduction danoise n’a clairement pas les moyens de Disney ou DreamWorks, et ça se voit), le film compense par un joli travail sur la caractérisation des personnages et une mise en scène ciselée.
François Léger
LA NUIT VENUE ★★★☆☆
De Frédéric Farrucci
Paris, la nuit est un cliché cinéphile. Il n’est bien sûr pas interdit de se plonger dedans à défaut de s’y vautrer à pieds joints. Frédéric Farrucci, dont c’est le premier long métrage, évite la redondance en s’intéressant à des personnages inédits dans le cinéma français. Soit ici, Jin, un chauffeur de VTC d’origine chinoise, pris au piège d’un réseau mafieux qui scrute ses moindres faits et gestes au volant de sa voiture et lui interdit toute errance. Ce monde invisible avec ses codes ultra-violents faits d’intimidation, de dépendance éco- nomique et physique, où l’intimité est forcément bafouée, possède une force documentaire évidente. Le cinéaste en a parfaitement conscience mais préfère habiller son récit de tous les atours du film noir : ballet de berlines rutilantes, festival de tronches patibu- laires, boîtes de nuit plongée dans une brume de néons... La femme fatale ne va d’ailleurs pas tarder. Et Jin (Guang Huo) va croiser dans son rétroviseur le regard de Naomi (Camélia Jordana), une jeune strip-teaseuse. L’amour, on l’aura compris, est condamné d’avance. Ces amants de la nuit, prisonniers de leur condition respective, n’ont pas d’autre choix que de fuir. Quitter la nuit pour le jour en somme.
Thomas Baurez
LES MEILLEURES INTENTIONS ★★★☆☆
D’Ana García Blaya
Ana García Blaya évoque ses parents divorcés dans l’Argentine en crise des années 90 : une mère responsable et grave (et en couple), un père inconséquent et amusant (qui vivote en vendant des disques dans le magasin d’un pote). Quand sa mère, en accord avec son nouveau compagnon, décide de s’installer au Paraguay pour mener une vie meilleure, les trois enfants, sous l’impulsion de l’héroïne, choisissent de rester avec leur père. Pour renforcer le sentiment de proximité et d’immersion, la réalisatrice glisse dans son récit de vraies images vidéo tournées par son père à l’époque. Un collage imparfait mais qui, même maladroitement, témoigne d’une douceur inespérée où se loge délicatement la mélancolie -on est loin de Kramer contre Kramer.
Christophe Narbonne
SAPPHIRE CRYSTAL ★★★☆☆
De Virgil Vernier
En 2010 avec Pandore, Virgil Vernier avait posé sa caméra devant l’entrée d’une boîte de nuit parisienne. Là, il est à l’intérieur. A Genève. Vernier saisit des instants arrachés au réel. La mise en scène est invisible. Quelques jeunes friqués exhibent des bouteilles et parlent d’argent. Les voilà bientôt dans la villa de l’un d’eux. Re-Champagne, cocaïne et anecdote peu ragoûtante sur comment « pimenter » ses spaghettis. Et puis, il y a cette virée nocturne dans les rues de Genève. Les héros-modèles devenus vampires s’extasient devant les lumières renvoyées par les enseignes des grosses marques d’horlogerie. « J’aurais préféré voir celles des étoiles ! » On croyait avoir à faire des fils et filles à papa écervelés, nous voici avec des poètes romantiques. Tout ça pourrait ressembler à un épisode de Striptease, s’il n’y avait ce regard si particulier, cette force presque magique.
Thomas Baurez
FELICITÀ ★★★☆☆
De Bruno Merle
L’ouverture de Felicità donne le la. Tim et Chloé y font face à leur fille Tommy. L’instant semble grave. Les deux parents ont une révélation à faire : et si Tommy avait été adoptée… Sauf que non. Ce n’était qu’un jeu. Un apprentissage à vitesse V de la vie selon ces parents vraiment pas comme les autres. Avec cette idée force qu’il n’y a pas d’âge, ni pour s’amuser ni pour se méfier de ce qu’on vous présente, même avec gravité comme une certitude. Felicita démarre donc sur des chapeaux de roue mais tient bon la barre. Ce trio semble en effet faire fi de toutes les contraintes, de toutes les attaches, même si la fin de l’été arrive avec le retour aux obligations dont la rentrée au collège. Mais cette dernière ligne droite sera celle de toutes les péripéties. On y croise un cosmonaute, un singe… Chloe y disparaît inopinément. La belle mécanique se grippe, le temps de l’insouciance semble envolé… Mais la scène inaugurale nous l’a appris : il ne faut jamais se fier aux apparences. Et malgré une dernière ligne droite un peu confuse, Felicità séduit par sa manière d’être toujours en mouvement, de raconter de très belles choses sur l’éducation et le couple sans se faire professeral. Et tout cela, on le doit aussi au brillant duo d’acteurs qui se régale à incarner ces personnages jamais figés : Pio Marmaï et Camille Rutherford. On ne sait jamais d’un plan à l’autre comment ils vont jouer, ni où le récit va les mener. Une sarabande de rebondissements qui rend Felicità si attachant. Treize ans après Héros (avec Michaël Youn), Bruno Merle réussit son retour.
Thierry Cheze
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
ÉTÉ 85 ★★☆☆☆ (14 juillet)
De François Ozon
Il est des livres qui marquent une adolescence. La danse du coucou d’Aidan Chambers a bouleversé celle de François Ozon. Un garçon de 16 ans a commis un délit ; il doit comparaître devant un juge. Nous sont alors livrées, à la première personne, les pensées, les remords qui racontent son histoire d’amour avec un jeune homme qui l’a sauvé d’un naufrage. Avec Eté 85, Ozon livre une adaptation assez fidèle de ce roman initiatique.
Sophie Benamon
EXIT ★★☆☆☆
De Rasmus Kloster Bro
De Buried à Tunnel, pas une année ou presque ne se passe sans qu’un survival claustro ne déboule sur les écrans. Rasmus Kloster Bro s’y aventure à son tour avec son premier long où une journaliste se retrouve bloquée dans un sas de décompression après un accident dans le chantier du métro de Copenhague. Il y fait preuve d’un indéniable sens du suspense. Mais, son parti pris d’injecter une réflexion sociétale dans ce huis-clos convainc nettement moins. Son héroïne se retrouve en effet coincé avec un père déraciné venu bosser sur ce chantier pour nourrir sa famille et un Erythréen sans papiers. Et leurs échanges peinent à dépasser le simple constat de leurs situations respectives et les clichés. Dommage car les dernières minutes muettes et jouant habilement avec les noirs écran propulsent Exit dans une ambiance fantastico-horrifique qui aurait mérité d’être… creusée !
Thierry Cheze
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
LA VOIX DU SUCCÈS ★☆☆☆☆ (14 juillet)
De Nisha Ganatra
Univers de la musique et comédie romantique font souvent bon ménage. Et c’est dans cette heureuse lignée que s’inscrit l’histoire de cette assistante d’une chanteuse star qui rêve de devenir productrice et va s’y atteler en cachette après avoir craqué pour un jeune artiste. Cette double vie lui vaudra quelques soucis avant que bien évidemment … On ne spoilera rien même si dans ce genre de film, l’essentiel n’est pas tant le but que le moyen pour y parvenir, l’étincelle qui émane du couple star, la maestria avec laquelle le scénario nous ballade dans des terrains connus comme si on les visitait pour la première fois. Rien de cela ici. Dakota Johnson n’a pas l’apanage d’une Keira Knightley ou d’une Zooey Deschanel, chez qui la comédie romantique est une seconde peau. Et surtout le récit se traîne en longueurs pendant 1h54 sans aspérité jusqu’à un twist final impossible.
Thierry Cheze
Et aussi...
L’aventure des Marguerite (14 juillet), de Pierre Coré
Reprises
Mississippi burning, d’Alan Parker
Voyage à deux, de Stanley Donen
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