C’est la troisième fois que l’espagnol Oliver Laxe présente un film à Cannes mais la première fois en sélection officielle. Viendra le feu, montré dans la section Un Certain Regard est le sidérant récit d’un embrasement dans les montagnes galiciennes.
Oliver Laxe aime la nature, du moins se repose-t-il sur elle pour essayer d’en puiser la force et la part sacrée. Dans Mimosas, la voie de l'Atlas son précédent long-métrage présenté à la Semaine de la Critique en 2016 où il avait obtenu le Grand Prix, le Haut Atlas marocain devenait un territoire mythologique où un présent chimérique se télescopait avec un passé légendaire. La mise en scène ample, précise et emprunte de mystère créait des moments de pure sidération. Le même ensorcellement ne tarde pas à se mettre en place dans ce Viendra le feu où des plans de nuit d’une forêt majestueuse met d’emblée le spectateur face quelque chose de plus grand que lui. La main de l’homme ne tarde pas à briser et abîmer cette nature souveraine. Les arbres tombent un à un. Dans un raccord parfait, on distingue bientôt un épais dossier qui circule de main en main. En voyant ces piles de papier on est obligé de penser à ce bois sacrifié dans la séquence précédente. On se dit qu’une contamination est bien à l’œuvre ici. En off, on apprend qu’un homme, accusé d’avoir provoqué un incendie dans la montagne galicienne où il habite seul avec sa mère, s’apprête à être libéré.
Une nature souveraine
Le retour au bercail d’Amador Coro, dont le physique triste lui donne l'allure d'un personnage d’un film de Kaurismaki, a quelque chose de puissant et troublant. Une musique d’opéra dramatise ce moment. Oliver Laxe va suivre petit à petit ce retour au monde d’un personnage dont tout le monde se méfie. Nous sommes dans un village au milieu des montagnes retiré de tout. Amador retrouve sa mère, une vieille paysanne qui accueille cet enfant un peu maudit avec amour et tendresse. La parole est rare, les gestes mesurés. La caméra d’Oliver Laxe ne brusque rien, elle observe, scrute, révèle. Des plans larges viennent rappeler comme chez Terence Malick, la puissance de ce qui nous entoure. L’homme est lentement adopté par la communauté malgré les provocations que quelques-uns. Amador peut même espérer à un peu d’amour autre que maternel, mais comme l’annonce le titre, viendra le feu qui recouvrira la vallée, laissant les hommes démunis et l’homme que tout accuse est obligé de baisser la tête à nouveau. Un film puissant.
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