Shellac / Universal Pictures International France / Haut et Court

Ce qu'il faut voir cette semaine.

L’ÉVÉNEMENT

JEUNE FEMME ★★★★☆
De Léonor Serraille

L’essentiel

Caméra d’Or du dernier Festival de Cannes, le premier film de Léonor Serraille confirme le potentiel explosif de Laetitia Dosch.

C’était en 2013, une éternité. Laetitia Dosch irradiait de son énergie inquiète La Bataille de Solférino, le premier film de Justine Triet (future réalisatrice de Victoria). C’était évident, l’heure était venue pour cette actrice franco-suisse réputée pour ses spectacles toqués de régner sur le cinéma d’auteur français à l’instar de Vincent Macaigne, son partenaire de La Bataille de Solférino. Puis, plus rien, ou presque. Des petits rôles par-ci- par-là jusqu’à ce que Léonor Serraille, une autre diplômée de la Fémis, ne lui rende son trône. 
Christophe Narbonne

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PREMIÈRE A AIMÉ

BRAGUINO ★★★★☆
de Clément Cogitore

Ça commence comme une installation vidéo. Du bruit et une image indiscernable. Un chaos originel. Et puis, l’ombre menaçante d’un hélico qui se dissocie progressivement du gris cendreux du ciel. En bande-son, les crachotis d’une radio et un Russe qui parle au loin. L’hélico atterrit et on s’extirpe de la carlingue en même temps que le réalisateur observé par des gamins qui le fixent comme une bête sauvage. Tout est dit dans ce prologue brut et stylisé : l’étrange, le point de vue des enfants, l’éloignement… Dans Braguino, Clément Cogitore sonde les ténèbres d’une famille de sibérien recluse au fin fond de la Taïga. Pendant 50 minutes, on suit le père et sa famille, d’une chasse à l’ours dans la forêt à une querelle de voisins qui prend des allures de tragédie grecque en passant par des scènes d’intérieur mystiques ou l’arrivée de prédateurs-braconniers surarmés. Une forêt, des monstres et des hommes qui essaient de survivre : Braguino est un conte russe fabuleux. Cogitore prend bien soin de ne jamais créer de liens entre ses séquences et glisse de la chronique intranquille à un horizon de réalisme halluciné, strié par des moments de déflagrations primitives ou des virages fantasmatiques qui épousent la paranoïa du patriarche (qui sont ces voisins hostiles filmés comme les croquemitaine d’un film d’horreur ou ces chasseurs russes flippants ?). Par un travail fou sur la texture de l’image, par sa manière de malaxer les genres de cinéma, le jeune cinéaste déplace le documentaire vers un film métaphysique, follement impressionniste.
Gaël Golhen

CARRÉ 35 ★★★★☆
De Eric Caravaca

Christine est morte à trois ans en Algérie. Nés après, en France, Eric Caravaca et son frère ignorent presque tout de cette sœur. A commencer par son apparence : toutes les photos d’elle ont été brûlées par leur mère. Qu’ont tenté de dissimuler ses parents pendant toutes ces années ? Et comment faire un film d’une image manquante ? A l’amorce de la cinquantaine, l’acteur-réalisateur se décide enfin à mener l’enquête sur cet encombrant fantôme. Son docu narré en voix-off se pare alors des atours du polar, sans imper’ mais avec suspense et twists. En bon apprenti détective, il va fouiner dans les vieux papiers administratifs, se rend au cimetière français d’Algérie, et surtout, affronte la vérité de son père mourant, puis celle de sa mère. Cette dernière offre à Carré 35 sa part la plus sombre et fascinante. Nerveuse, elle a le visage paralysé par les non-dits. Car c’est de sa volonté, découvre-t-on, qu’émane l’omerta sur Christine. Caravaca a l’intelligence de ne pas la filmer avec les yeux mesquins d’un petit juge. Si monstruosité de sa mère il y a, elle apparait en partie compréhensible en tant que symptôme d’une époque rongée par le déni (jusqu’au comique involontaire, lorsque l’affabulatrice affirme à son fils : « Je vous ai toujours appris à ne pas mentir !») : le temps de la décolonisation et de la guerre d’Algérie. Par ce biais de l’analogie historique, illustrée d’archives propagandistes, le cinéaste exorcise son propre refoulé familial avec une retenue souvent déchirante.
Eric Vernay

EX LIBRIS THE NEW YORK PUBLIC LIBRARY ★★★★☆
De Frederick Wiseman

Qu’y a-t-il à filmer dans une bibliothèque, sinon des gens recourbés sur des livres ? Bien des merveilles, démontre Wiseman en 3 heures et 17 minutes. La New York Public Library est un monde en soi, avec ses 92 sites répartis dans les différents boroughs de la Grosse Pomme. Dans celui du Bronx, on n’aura pas forcément droit aux prestigieuses conférences de Manhattan, mais on pourra par exemple y trouver des offres de jobs. Ailleurs, les new-yorkais ont accès à des concerts, des lectures, des cours de langues ou simplement à des ordinateurs reliés à Internet, tandis qu’en coulisses se pose la question, très politique, du rôle du service public. Tous ces lieux d’échanges s’agrègent sous le regard du documentariste de 87 ans en une mosaïque un peu abstraite, sans hiérarchie apparente entre envolées lyriques et trivialités administratives. Si ce tunnel de parole exige de la concentration, l'effort en vaut la chandelle. Car ce qu'il y a de très beau finalement dans ce film, qui peut sembler presque trop laudatif ou décollé du réel, c'est qu'en vérité, il voit en cette institution culturelle une caisse de résonance des maux de l'Amérique, un miroir de ses violences raciales et sociales. Elles rejaillissent et s’articulent dans l’enceinte bienveillante de la NYPL, sous les traits de femmes, de minorités ethniques ou d’handicapés, bref, une Amérique diverse en forme d’antidote à l’idéal trumpien, qui s’exprime avec éloquence, mais aussi et surtout, qui sait prendre le temps d’écouter.
Eric Vernay

MÉMOIRES D’UN CONDAMNÉ ★★★★☆
De Sylvestre Meinzer

1910. Jules Durand, ouvrier charbonnier au port du Havre et syndicaliste chevronné, est condamné à mort après le décès d'un non-gréviste. La justice estime qu'il en est responsable car il était favorable à la grève… Finalement gracié suite à une campagne internationale de soutien, Durand en sort brisé et fou, au point de finir ses jours à l'asile psychiatrique en 1926. L'histoire d'une injustice invraisemblable, racontée par Sylvestre Meinzer dans un documentaire fascinant où elle ravive la mémoire volontairement effacée d'un homme devenu un symbole de la lutte des classes. Munie de deux photos du "Dreyfus des ouvriers", la réalisatrice parcourt le Havre et interroge syndicalistes, dockers, juge, avocat, psychiatre ou voisins pour évoquer le souvenir et les répercussions de cette affaire vieille de plus de cent ans. Des interviews qui parlent d'oppression du système et de disparition progressive du paysage industriel : l'histoire de Jules Durand n'aura jamais semblé si contemporaine. 
François Léger

PREMIÈRE A PLUTÔT AIMÉ

THE SECRET MAN ★★★☆☆

De Peter Landesman

Surtout, soyez prévenus : bien que The Secret Man - Mark Felt mette en avant Liam Neeson en big boss du FBI plongé dans le scandale du Watergate en 1974, ne vous attendez pas à un mélange de Taken et des Hommes du président où Neeson casserait la gueule à des journalistes en pantalon pattes d'eph'. Ni à une réactu neesonienne des Trois jours du CondorThe Secret Man, c'est évidemment le show de Liam (alias Mark Felt) qui vient de raccrocher son calibre -trop vieux pour ces conneries, comme il l'a fait savoir- et laisse à d'autres la tâche de flinguer les méchants.
Sylvestre Picard

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

LE FIDÈLE ★★☆☆☆
De Michaël R. Roskam

Après le coup de boule Bullhead, le petit génie flamand Michaël R. Roskam était parti frayer à Brooklyn, sur les terres de Dennis Lehane (Quand vient la nuit). Pendant ce temps, son acteur fétiche Matthias Schoenaerts, la révélation de Bullhead, était mis sur orbite par Jacques Audiard, grâce au rôle du boxeur sensible de De Rouille et d’os. Et aujourd’hui, dans un échange de bons procédés, Roskam, de retour au pays, retrouve le « fidèle » Schoenaerts et embauche les deux scénaristes attitrés d’Audiard (Thomas Bidegain et Noé “Dheepan” Debré) pour emballer le script de son nouveau film. Comme si les deux hommes, le belge turbulent et le dandy palmé d’or, les deux esthètes du néo-noir, avaient décidé d’entamer un dialogue à distance.

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Frédéric Foubert 

D'APRÈS UNE HISTOIRE VRAIE ★★☆☆☆
De Roman Polanski

Le titre est génial – D’après une histoire vraie, par l’homme dont l’autobiographie s’appelle Roman. Le film ? Un peu moins. Une histoire de possession, de schizophrénie, d’état limite, d’angoisse claustro, où l’auteur de Répulsion, du Locataire et de Rosemary’s Baby récite son B.A.-ba. Montré à Cannes une première fois en mai dernier devant l’internationale critique un brin goguenarde, cette adaptation du livre de Delphine de Vigan a depuis été remontée par Polanski et a gagné en clarté, en efficacité. C’est un thriller mineur, ludique, sardonique, misanthrope, dans la veine la plus lo-fi et inconséquente de son auteur (celle de La Neuvième Porte). Un 21ème opus léger, beaucoup moins agressif que le précédent (La Vénus à la fourrure) qui n’apportera rien de plus à la gloire de Polanski – ni à son infamie.
Cédric Page

DADDY COOL ★★☆☆☆
De Maxime Govare

Deux ans après Toute première fois, où Pio Marmaï hésitait entre un homme et une femme, le jeune réalisateur Maxime Govare livre sa deuxième comédie, toujours co-écrite avec Noémie Saglio. Cette fois, le triangle amoureux est purement hétéro, et c’est Grégory Fitoussi qui vient s’interposer entre Laurence Arné et Vincent Elbaz, idéalement casté en adolescent attardé qui ouvre une crèche sauvage pour prouver qu’il peut enfin devenir un homme mature à sa copine auteure de BD à succès.
Daddy Cool (oui il y a une scène avec du Boney M) s’ouvre sur un clin d’œil au Big Lebowski (sauf que la voiture a été remplacée par une trottinette et le joint par une cigarette) mais s’inscrit plutôt dans la lignée de Papa ou maman, et ferait presque passer Marina Foïs et Laurent Lafitte pour des parents modèles. Malgré un humour pas très fin (mieux vaut aimer les gags à base de caca qui déborde) et un scénario convenu, le film est sauvé par son énergie et la présence toujours appréciable de Jean-François Carey.
Edouard Orozco

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

MISE À MORT DU CERF SACRÉ ★☆☆☆☆
De Yorgos Lanthimos

The Lobster était un leurre. Avec ses gags un peu branques, sa mythologie SF rigolote et sa jolie love story, le film laissait penser que Yorgos Lanthimos voulait changer d’air, s’éloigner des commentaires socio terrorisants et des pesanteurs post-bunueliennes de ses premiers longs (Canine, Alps). Mais il lui aura en fait surtout servi de Cheval de Troie : le cinéaste peut désormais tourner les mêmes films qu’avant, mais en blindant leurs génériques de stars américaines. Dès le début de Mise à mort du cerf sacré (plan fixe et cracra sur une opération à cœur ouvert, musique pompeuse, travellings kubrickiens interminables…), on sent que ça va être long.
Frédéric Foubert

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CARBONE ★☆☆☆☆
D’Olivier Marchal

Depuis Gangsters, son premier film, la recette Olivier Marchal est toujours la même : des sales types (flics ou voyous) neurasthéniques sont rattrapés par la poisse, la fatalité, appelez ça comme vous voudrez. Les femmes subissent, les amis trinquent. Il pleut souvent, les bagnoles brillent. La mort rôde. S’il peut se targuer d’avoir redonné un second souffle au polar made in France (ses films, à part Gangsters, ont tous cartonné), Marchal est aussi responsable de l’avoir enfermé dans une néo-mythologie un brin ringarde et réac. Rien ne change avec Carbone qui a pour ambition de dénoncer le banditisme en col blanc avec ses personnages d’arnaqueurs à la TVA sur le carbone. Comme d’habitude, le héros (Benoît Magimel) est acculé : le seul moyen qu’il a trouvé pour ne pas couler sa boîte est de truander. Et Marchal de dérouler les éternels clichés sur les antihéros solitaires et incompris, entourés de traîtres tout désignés et de maîtresses compatissantes. Bref, une copie carbone de sa filmographie.
Christophe Narbonne

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