Cinq ans après Amour, Michael Haneke revient avec un film grinçant qui n’est pas son plus mémorable.
Difficile de dire d’un film de Michael Haneke qu’il est « plaisant ». C’est pourtant le sentiment qui nous habite à la vision de ce drame bourgeois, plus proche d’un Claude Chabrol en pilote automatique (type Merci pour le chocolat) que d’un Luis Bunuel décapant. Dans Happy end, l’élément perturbateur est incarné par une ado... perturbée qui, à la suite de la tentative de suicide de sa mère, est recueillie par son père, héritier d’une grande famille industrielle du nord de la France qui a refait sa vie avec une femme plus jeune dont il vient d’avoir un bébé. On comprend assez vite que la jeune Eve n’entretenait quasiment plus aucun lien avec sa famille paternelle. Elle fait donc connaissance avec son grand-père, un peu sénile, sa tante, qui gère l’entreprise familiale, et le fils de celle-ci, destiné à reprendre le flambeau –le père d’Eve est quant à lui médecin.
Le meilleur pour la fin
Chez Haneke, tout le monde cache des choses et est potentiellement coupable -au moins moralement. On ne va pas vous énumérer les failles des uns et des autres, elles sont toujours les mêmes : un manque d’empathie et une tendance au sado-masochisme, qui affectent à des degrés divers les protagonistes. Eve est-elle, elle aussi, atteinte de cette malédiction familiale qui consisterait à faire le mal autour d’elle, par négligence ou par calcul ? Haneke sème des indices ici et là, avec cet art de l’ironie et du sens caché qui le caractérisent. Sauf qu’ici, tout est un peu démonstratif, pour ne pas dire lourdingue : un rendez-vous chez un avocat tourne à l’effet de manche facile ; une explication entre Eve et son père en dit trop, ou pas assez. Seul le personnage du grand-père nourrit une ambiguïté salutaire en même temps qu’il donne au film une dimension inattendue –qu’il serait salaud de vous dévoiler. Ne partez surtout pas avant la fin : les dix dernières minutes sont les meilleures. Elles parviennent presque à élever Happy End au niveau d’excellence où on l’attendait. Un peu tard, hélas.
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