- Première
Auteur de plusieurs longs n’ayant jamais atteint les salles de cinéma françaises, le nom d’İlker Çatak nous était jusque là inconnu. Et en s’asseyant devant un film au titre aussi sobre, presque conventionnel, difficile d’imaginer autre chose qu’un nouveau drame sur l’école, dans la lignée des Héritiers et d’un Métier Sérieux, sorti l’année dernière. Comme attendu d’ailleurs, le film s’ouvre sur un portrait kaléidoscopique d’une école, dans laquelle les professeurs s’échinent à faire au mieux face à des élèves souvent en difficulté. Au centre de l’équation, Carla, jeune prof faussement idéaliste, prototype parfait de la working girl qui fait passer son travail avant tout, se retrouve dans la tourmente en accusant une collègue de l’administration de lui avoir volé son argent. Et à partir de là, La Salle des Profs va subrepticement basculer vers le thriller psychologique en se penchant sur les causes et effets d’une telle accusation, qu’elle soit fondée ou non. Parmi les victimes, le fils de l’accusée, élève dans la classe de Carla, se rebelle, et emmène le récit vers un questionnement plus actuel que jamais : celui du pouvoir aliénant que peut exercer un élève sur un professeur, et de la violence physique qui finit toujours par s’en suivre. Leonie Benech, formidable comédienne qui n’est pas sans rappeler Isabelle Huppert, livre une performance exceptionnelle, tout en nuances, et cristallise parfaitement la douleur et les attentes liés au métier d’enseignant. Un film plus important que jamais.
Yohan Haddad