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Le réalisateur Martin McDonagh est-il la meilleure porte d’entrée dans une critique dithyrambique de 3 Billboards : les panneaux de la vengeance ? Pour appâter le chaland, on ferait peut-être bien de vous prévenir que Frances McDormand trouve dans ce film son plus beau rôle depuis Fargo ». Ou que Sam Rockwell, l’éternel second couteau azymuté du cinéma US, y livre la performance de sa vie. Ou encore que Woody Harrelson va vous faire pleurer toutes les larmes de votre corps grâce à une scène, une seule, à classer immédiatement parmi les plus belles de toute sa filmo. Mais à bien y réfléchir, il n’y a rien de vraiment étonnant à ce que des acteurs comme McDormand, Rockwell et Harrelson livrent des performances exceptionnelles quand ils bénéficient d’un matériau aussi riche que celui-ci. Non, ce qui est surprenant en revanche, c’est que Martin McDonagh signe un film aussi puissant, profond, maîtrisé. L’homme n’avait signé que deux films jusqu’ici, le très chouette Bons Baiser de Bruges et le pas chouette du tout 7 Psychopathes. Soit une brillante comédie noire d’un côté, et un pastiche pirandellien épuisant de l’autre. Ce qui ne nous aidait pas vraiment à l’identifier comme cinéaste.
Pitch génial
Renseignements pris, l’intéressé lui-même n’est pas très fan de 7 Psychopathes. Et préfère, comme nous, sa veine Bruges. « Quand tous les critiques disent du mal de ton film, c’est peut-être qu’il y a quelque chose qui cloche. J’ai revu 7 Psychopathes un an après sa sortie, et effectivement ça ne marche pas, c’est trop « smartass », petit malin. Je voulais faire une comédie sur Hollywood, mais qu’est-ce que j’y connais, en fait, à Hollywood ? » On ne sait pas ce que l’Irlandais McDonagh connaît à Hollywood mais il a l’air de bien connaître la small-town America. On croit en tout cas immédiatement à la petite ville (fictive) du Missouri qui tient lieu de décor à son film. Le pitch est génial : une femme (McDormand), dévastée par une tragédie (le viol et l’assassinat de sa fille adolescente), loue trois panneaux publicitaires à l’abandon pour y placarder en lettres géantes un message accusant les forces de l’ordre de ne pas avoir fait leur boulot – l’assassin court toujours.Mère courage
A partir de là, McDonagh construit une fable philosophique, morale, politique, décrivant les réactions des habitants d’Ebbing, les conséquences de ce geste fou, l’engrenage à la fois vertueux et dévastateur qu’il déclenche au sein de la communauté. Le récit n’arrête pas d’emprunter des détours, des chemins de traverse, arrimé à l’idée-force selon laquelle il nous sera impossible de nous faire un avis définitif sur les personnages avant la fin du film. Et peut-être même, tiens, qu’on continuera de se poser des questions longtemps après la projection. Cette femme, Mildred, la mère courage qui se bat pour que justice soit faite, ne serait-elle pas aussi un peu facho sur les bords ? Et ces flics que tout le monde accuse d’être cons, racistes, fainéants, qu’ont-ils réellement dans le ventre ? 3 Billboards questionne le regard que les personnages posent les uns sur les autres, et aussi celui qu’on pose sur eux, nous obligeant à changer d’avis sur leur compte à chaque scène (et parfois même plusieurs fois à l’intérieur de la même scène). Les meilleurs éléments de Bons Baisers de Bruges sont là, portés à un degré de perfection supérieur : l’humour à froid, l’empathie pour les losers, ces dialogues légèrement sur-écrits mais malaxés et recrachés avec un plaisir manifeste par leurs interprètes… On n’identifiait pas très bien Martin McDonagh avant ce film. Mais on ne ratera le prochain pour rien au monde.