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Un biopic atypique de Jacques Doillon, avec un Vincent Lindon taillé dans le granit.
Jacques Doillon le dit lui-même dans le dossier de presse, son Rodin n’aurait sans doute pas existé sans son précédent film, Mes séances de lutte, récit d’une passion érotique sans sexe, servie par des corps-à-corps ultra physiques et fiévreux. Les liens sont évidents : Rodin se bat avec la terre qu’il malaxe, pétrit, rabote, plonge voluptueusement ses mains dans le plâtre qu’il applique avec la passion d’une amoureuse sur ses sculptures aux formes vivantes auxquelles il ne manque que la chair. Rodin n’était cependant pas de bois. C’était un jouisseur gouverné par des pulsions primaires, indissociables de son art intuitif en quête perpétuel de mouvement. Un être pile et face, Don Juan d’un côté, père pépère de l’autre -il vivait une existence quasi monacale auprès de Rose Beuret, sa compagne de toujours, mère de leur fils qu’il ne reconnut jamais. Comme lui, le film de Doillon est duel : apaisé et volcanique, torride et froid. Vincent Lindon lui donne cette épaisseur très XIXè siècle, la barbe fournie, le regard profond et la voix aussi enveloppante qu’autoritaire.
Une proposition exigeante
Filmé à deux caméras mobiles et caressantes, éclairé avec des basses lumières aux couleurs désaturées et peu contrastées (pari audacieux et déconcertant, qui aboutit à une image assez plate sensée refléter une atmosphère familière antispectaculaire), Rodin est une proposition de cinéma exigeante qui théorise sur la position de l’homme derrière l’artiste et sur l’acte créatif. Dans le genre, on n’a pas mieux fait que Van Gogh de Maurice Pialat et son naturalisme poétique auquel Rodin se mesure non sans panache. Dans les deux cas, la banalité du personnage apparaît aussi extraordinaire que son génie. Sa relation avec Camille Claudel ? Une histoire d’amour et de fesses gangrénée par l’ego et la mesquinerie nous dit Doillon qui fait mystère de l’influence supposée de l’un(e) sur l’autre. La période choisie -vers 1880- montre Rodin, la quarantaine, au sommet de sa créativité et de sa virilité qui, entre deux parties de jambes en l’air, remet sans cesse sur le métier son œuvre, affinant, corrigeant, déconstruisant. Dramatiquement, c’est aussi peu excitant qu’un making of de film : Doillon filme –en plans larges, le plus souvent- la coulisse, pas la scène ; l’acte, pas l’orgasme. Il signe au final un anti biopic qui est moins un portrait haut en couleurs qu’une réflexion subtile sur l’Art -et la manière.