- Fluctuat
Les films sur les coulisses du théâtre sont toujours un peu ambigus. On y voit dévoilée une mécanique secrète. Le savoir-faire du réalisateur à s'emparer des questions de création, d'incarnation ou de représentation est alors primordial : C'est Woody Allen avec humour dans Coup de Feu sur Broadway ou Jacques Rivette dans son prochain Va Savoir.
Pourtant quand ce milieu n'est que prétexte, un sentiment d'impudeur accroche le regard et vous met mal à l'aise. Les acteurs peints dans leur plus simple appareil se révèlent banalement égocentriques ou capricieux, les metteurs en scène sont tyranniques et les assistants pleurent. Un peu comme dans La Répétition. La théâtralité est ici romanesque. Nathalie est une actrice trop actrice. Elle signe des chèques de stars, refuse un week-end à Venise en faisant mille caprices, arrive en retard aux conférences de presse... Perdue elle ne sait d'abord que choisir entre l'homme qui l'aime et la met en scène et le génie au talent international qui propose de la diriger dans un des plus grands rôles du répertoire. Car Nathalie est comédienne par hasard et par laisser-aller. Elle a commencé à l'âge de l'innocence et s'est découvert un talent inné. Louise, son amie d'enfance, a cessé de jouer et d'y croire à quinze ans. Elle a quitté brutalement le monde des planches et des confidences adolescentes sans aucune explication. Dix ans plus tard, elle est prothésiste dentaire. Deux mondes, deux frustrations, deux douleurs...Des premières images un peu irréalistes, Emmanuelle Béart et Pascale Bussière trentenaires incarnant deux jeunes filles naïves et farfelues, naît l'ambiguïté d'une attirance. L'une est sur la scène, l'autre la regarde. Elle la trouve très belle et cherche déjà son attention de manière passionnelle et irraisonnée tandis que l'autre n'y voit que complicité amicale. Certes, les failles se créent dans ces dix premières minutes. Elles semblent nécessaires à l'ancrage de cette histoire mais l'adolescence est ici traitée avec trop de clichés, interprétée par des actrices qui ont dépassé l'âge de se faire des tresses.Le film commence sans trop de finesse et passe déjà à côté du sujet qui semblait pourtant être sa seule raison d'être. L'amour d'une femme pour une autre prend alors le prétexte d'une fascination envers une comédienne mi-star mi-démon, toujours inaccessible et finalement impalpable. La réalisatrice effleure la question des corps, évite les gros plans, reste loin de ses actrices préférant s'attarder sur leurs aventures, les petits riens de leurs vies chaotiques.Malgré tout Pascale Bussière révèle ce désir inavouable et toujours refoulé. Tendue vers son amie, Louise est toute à son écoute, attentive à ses moindres gestes, toujours sur le qui-vive, trop protectrice. A sa façon de la regarder et de l'écouter, de s'imprégner de son univers, on devine son envie impérieuse de la posséder, son rapport fusionnel avec Nathalie au point d'accepter toutes souffrances. Jusqu'à ce que les évènements lui offrent une emprise et brise cette relation en la poussant à l'extrême . Nathalie souffre d'une appendicite aiguë. Les ambulanciers, en bas de chez elle, frappe à la porte et il ne dépend que de Louise d'ouvrir. Se tordant de douleurs, l'actrice supplie son amie de l'aider. Le silence de la scène entrecoupé de râles et de lamentations laisse place à toute l'ampleur de la souffrance psychique de Louise. Face à ce corps mourant, elle se venge et affirme enfin pleinement son existence mais pleure de voir ce que l'amène à faire celle qu'elle aime. Dans cette douleur, se révèle pleinement l'ampleur des sentiments. Ce moment extrême met un terme à une relation passionnelle. Parce qu'elles ont été jusqu'au bout d'une souffrance, elles ne pourront plus se regarder en face.De la naissance à la mort d'un amour et d'un désir plein d'idéal, La Répétition aurait du être à fleur de peau. Malheureusement, il nous laisse sur une soif inassouvie tant dans le traitement des corps que de ce qu'ils subissent.La répétition
De Catherine Corsini
Avec Emmanuelle Béart, Pascale Bussières, Jean-Pierre Kalfon
France / Canada, 2001, 1h35.